Coups de coeur : Du libraire chevelu

Back to the 10’s ! Episode 5

Que ce soit à la télé, dans les magazines, ou les réseaux sociaux, vous n’y échapperez pas : vous aurez une rétrospective de ce qui a marqué la décennie 2010. Hé bien, nous avons beau être libraires, nous sommes humains, nous aussi. Voici donc un petit florilège des 10 années écoulées et cela tombe bien puisque, peu ou prou, cela correspond aux années d’activités de la librairie !

Alors coupons court à la polémique. Oui, la prochaine décennie ne démarre qu’en 2021, mais tant pis ! Fusionnons nos 10 années civiles et les 10’s !

Enfin, rendons à César ce qui est à César. J’emprunte le concept global de ce best-of au magazine Première dont le hors-série a eu la bonne idée de mêler palmarès, box-office et coups de cœur. Donc moi aussi !

Vous trouverez donc le Grand Prix du Festival d’Angoulême (décerné fin janvier), le Prix de la Meilleure BD des Utopiales (décerné fin octobre), le Grand Prix de la Critique de l’ACBD (décerné début décembre), notre meilleure vente à la MLN (en nombre d’exemplaires jusqu’au 31 décembre) et mon coup de cœur subjectif de l’année écoulée.

 

 

 

2014

Grand Prix du Festival d’Angoulême :

Come Prima / Alfred / Delcourt

On sentait frémir toute la puissance narrative d’Alfred dans ses précédents ouvrages (Le désespoir du Singe, Pourquoi j’ai tué Pierre…) . Elle ne demandait qu’à jaillir avec Come Prima. Ce voyage, géographique autant que mental, entre ces deux frères qui tentent de se retrouver, se pardonner, s’affranchir du passé résonne de manière universelle.

Prix de la Meilleure BD des Utopiales :

Punk Rock Jesus / S.Murphy / Urban Comics

Sean Murphy est irrévérencieux et il l’assume. Mêlant téléréalité, clonage et immaculée conception, il nous offre un récit SF fait de bruits et de fureur, punk à souhait ! Membre du club fermé des rares albums étrangers primés aux « Uto », il a apporté une vague de fraîcheur sur la sélection !

Grand Prix de la Critique de l’ACBD :

Moi, Assassin / A.Altarriba & Keko / Denoël Graphic

Tuer n’est pas un crime. Tuer est un art. Par ces deux phrases, le ton est donné. En suivant Ramirez dans ses performances morbides, c’est toute une réflexion sur la violence et les crimes de notre société qui est mise en lumière. Un album qui fascine par le malaise qu’il suscite et la virtuosité de son dessin.

Meilleure vente à la MLN :

Les Vieux Fourneaux T.1 / W.Lupano & P.Cauuet / Dargaud

L’alchimie souvent opère quand on s’y attend le moins. Après plus d’une douzaine de série à son actif, avec des destins variés, Lupano signe une comédie avec d’incroyables seniors. Et là c’est l’explosion ! L’alignement parfait des planètes ! Le bon dessin avec le bon scénario au bon moment, une envie de ras-le-bol communicatif. Une jubilation aussi pour le libraire blasé qui se prend à rire de bon cœur ! Bref un succès mérité. Et pour la troisième fois, non, je n’ai pas vu le film.

Coup de cœur :

Un Océan d’amour / W.Lupano & G.Panacionne / Delcourt

Et boum ! Coup double pour Lupano qui emporte avec lui Panacione, notre chouchou depuis Toby mon ami et Match. Ce album muet est l’Histoire d’Amour par définition et avec des majuscules ! C’est la BD à emporter dans sa musette entre deux boîtes de sardine et à ouvrir en cas de blues.

Back to the 10’s ! Episode 4

Que ce soit à la télé, dans les magazines, ou les réseaux sociaux, vous n’y échapperez pas : vous aurez une rétrospective de ce qui a marqué la décennie 2010. Hé bien, nous avons beau être libraires, nous sommes humains, nous aussi. Voici donc un petit florilège des 10 années écoulées et cela tombe bien puisque, peu ou prou, cela correspond aux années d’activités de la librairie !

Alors coupons court à la polémique. Oui, la prochaine décennie ne démarre qu’en 2021, mais tant pis ! Fusionnons nos 10 années civiles et les 10’s !

Enfin, rendons à César ce qui est à César. J’emprunte le concept global de ce best-of au magazine Première dont le hors-série a eu la bonne idée de mêler palmarès, box-office et coups de cœur. Donc moi aussi !

Vous trouverez donc le Grand Prix du Festival d’Angoulême (décerné fin janvier), le Prix de la Meilleure BD des Utopiales (décerné fin octobre), le Grand Prix de la Critique de l’ACBD (décerné début décembre), notre meilleure vente à la MLN (en nombre d’exemplaires jusqu’au 31 décembre) et mon coup de cœur subjectif de l’année écoulée.

 

 

 

2013

Grand Prix du Festival d’Angoulême :

Quai d’Orsay T2/ A.Lanzac & C.Blain / Dargaud

Quand la bande dessinée lorgne du côté de la politique avec humour et second degré, on obtient un diptyque savoureux. Toutes ressemblances avec des situations et des personnes réelles ne seraient pas forcément fortuites. Et non encore une fois, je n’ai pas vu l’adaptation cinéma.

Prix de la Meilleure BD des Utopiales :

Souvenirs de l’Empire de l’Atome / T.Smolderen & A.Clérisse / Dargaud

Quand on multiplie les références à l’âge d’or de la SF, quand on rend hommage aux grands noms et à l’esthétique de ce « mauvais genre », on ne peut qu’être acclamé aux Utopiales. Premier volume d’un panorama sur la littérature populaire du 20ème siècle, les auteurs développent avec jubilation un rétrofuturisme de bon aloi.

Grand Prix de la Critique de l’ACBD :

Mauvais Genre / C.Cruchaudet / Delcourt

Étonnamment, j’étais persuadé que cet album était sorti depuis plus longtemps que cela. Comme s’il avait de toute éternité sa place parmi les « très bons » albums. En effet, en quelques pages Chloé Cruchaudet aborde la guerre, la fidélité, l’identité, la sexualité… D’autres n’en font pas autant sur toute une série !

Meilleure vente à la MLN :

Blacksad T.5 / J.Canales & J.Guarnido / Dargaud

Évidemment, quand un nouveau Guarnido arrive (cf 2019 aussi), il « pète » tous les scores ! Amarillo, tome 5 longtemps attendu de la série Blacksad, a désarçonné les fans. Et pour cause, le gros matou n’est pas le moteur de l’intrigue : il témoigne au mieux, il subit au pire. Quant à la Beat Generation, elle était pour beaucoup de lecteurs un concept lointain. Qu’importe, l’album demeure un excellent épisode !

Coup de cœur :

Paco les mains rouges T.1 / F.Vehlmann & E.Sagot / Dargaud

Beaucoup d’albums en lice cette année-là, mais la palme va à l’amitié. Encore une fois, ce coup de cœur s’accompagne d’une exposition et d’une rencontre hors-normes. La fascination d’Eric Sagot pour Cayenne et plus largement pour le voyage a permis de façonner lentement mais sûrement un diptyque qui imprègne pour longtemps les mémoires.

Back to the 10’s ! Episode 3

Que ce soit à la télé, dans les magazines, ou les réseaux sociaux, vous n’y échapperez pas : vous aurez une rétrospective de ce qui a marqué la décennie 2010. Hé bien, nous avons beau être libraires, nous sommes humains, nous aussi. Voici donc un petit florilège des 10 années écoulées et cela tombe bien puisque, peu ou prou, cela correspond aux années d’activités de la librairie !

Alors coupons court à la polémique. Oui, la prochaine décennie ne démarre qu’en 2021, mais tant pis ! Fusionnons nos 10 années civiles et les 10’s !

Enfin, rendons à César ce qui est à César. J’emprunte le concept global de ce best-of au magazine Première dont le hors-série a eu la bonne idée de mêler palmarès, box-office et coups de cœur. Donc moi aussi !

Vous trouverez donc le Grand Prix du Festival d’Angoulême (décerné fin janvier), le Prix de la Meilleure BD des Utopiales (décerné fin octobre), le Grand Prix de la Critique de l’ACBD (décerné début décembre), notre meilleure vente à la MLN (en nombre d’exemplaires jusqu’au 31 décembre) et mon coup de cœur subjectif de l’année écoulée.

 

 

 

2012

Grand Prix du Festival d’Angoulême :

Chroniques de Jérusalem / G.Delisle / Delcourt

Continuant son périple à travers le monde, Guy Delisle pose un regard faussement naïf sur les gens qui l’entourent. Après la Corée, la Chine et la Birmanie, l’auteur explore Israël, avec ses aberrations, ses paradoxes et sa fascination. Et c’est bien. Autre chose ? Oui, lisez-le !

Prix de la Meilleure BD des Utopiales :

Big Crunch T.1 / R.Gourrierec / Delcourt

Quel dommage de voir une série prometteuse abandonnée avant sa conclusion. Après deux tomes haletants où des enfants découvrent que leur père est un super-héros, Rémi Gourrierec est parti pour d’autres projets. Il nous restera toujours une énergie et une spontanéité rafraîchissante… pour ceux qui ont la chance de trouver ces albums !

Grand Prix de la Critique de l’ACBD :

L’Enfance d’Alan / E.Guibert / l’Association

Emmanuel Guibert avait encore beaucoup de choses à nous dire sur Alan Cope. Pour notre plus grande joie ! Avec finesse, il nous dresse le portrait d’un homme ordinaire, humble et celui d’une époque si lointaine et si proche à la fois. 

Meilleure vente à la MLN :

Blast T.3 / M.Larcenet / Dargaud

Manu Larcenet s’approche de la conclusion de sa tétralogie en distillant noirceur et malaise et le public ne s’y trompe pas. L’errance de Polza Mancini et ses blasts nous laissent pantois. Vous pensez que Larcenet était allé au bout de son désespoir en l’humanité ? Rendez-vous en 2015 !

Coup de cœur :

Daytripper / F.Moon & G.Ba / Urban Comics

Un album, un festival, une rencontre, voilà une trinité sur laquelle s’appuie ce coup de cœur. Pour l’album, c’est cette idée sous-jacente qui en fait tout le charme : quelle trace laisse-t-on de son passage sur Terre ? Que va-t-on retenir ? Puis à Saint-Malo, c’est la rencontre Fabio Moon, sa gentillesse, son énergie. Et une folle aventure dans un robuste camion !

Back to the 10’s ! Episode 2

Que ce soit à la télé, dans les magazines, ou les réseaux sociaux, vous n’y échapperez pas : vous aurez une rétrospective de ce qui a marqué la décennie 2010. Hé bien, nous avons beau être libraires, nous sommes humains, nous aussi. Voici donc un petit florilège des 10 années écoulées et cela tombe bien puisque, peu ou prou, cela correspond aux années d’activités de la librairie !

Alors coupons court à la polémique. Oui, la prochaine décennie ne démarre qu’en 2021, mais tant pis ! Fusionnons nos 10 années civiles et les 10’s !

Enfin, rendons à César ce qui est à César. J’emprunte le concept global de ce best-of au magazine Première dont le hors-série a eu la bonne idée de mêler palmarès, box-office et coups de cœur. Donc moi aussi !

Vous trouverez donc le Grand Prix du Festival d’Angoulême (décerné fin janvier), le Prix de la Meilleure BD des Utopiales (décerné fin octobre), le Grand Prix de la Critique de l’ACBD (décerné début décembre), notre meilleure vente à la MLN (en nombre d’exemplaires jusqu’au 31 décembre) et mon coup de cœur subjectif de l’année écoulée.

 

 

 

2011

Grand Prix du Festival d’Angoulême :

5000 km par seconde / M.Fior / Atrabile

Allez, un petit moment d’ego-trip ! La sortie discrète de ce petit album chez Atrabile ne m’avait pas empêché de le repérer et de grandement l’apprécier à sa sortie. Alors quelle sensation de fierté (déplacée, certes) lorsque, sur place au festival d’Angoulême, les hauts parleurs annoncent les résultats et que des confrères se posent la question « Mais qu’est-ce que c’est que cet album ? ». « Moi, je sais… ». Et j’aime toujours cette étrange histoire d’amour…

Prix de la Meilleure BD des Utopiales :

Château de sable / P.O.Lévy & F.Peeters / Atrabile

Premier paragraphe d’honnêteté : j’étais passé à côté de cet album. Il avait pourtant tout pour plaire, un auteur qui trouve ses marques graphiques définitives, un scénario déroutant… Je ne l’ai lu que beaucoup plus tard. L’aurai-je primé ? On ne le saura jamais…

Grand Prix de la Critique de l’ACBD :

Polina / B.Vives / Casterman

La rareté des BD sur la danse le plaçait déjà dans un cadre bien particulier. Mais la grâce avec laquelle Vives retranscrit les mouvements chorégraphiés ou naturels, la musique, le tempo, place cet album au-dessus de la mêlée. Enfin, l’ambiguïté et l’âpreté des rapports humains entre élèves, professeurs et amis étaient les derniers arguments pour que cette histoire soit marquante. Et, non, je n’ai pas vu l’adaptation cinéma.

Meilleure vente à la MLN :

Portugal / C.Pedrosa / Dupuis

Entre la librairie et Cyril, c’est une longue histoire d’amour ! Alors qu’il était encore à travailler sur ses planches, Cyril Pedrosa sentait déjà que son album serait hors du commun. Nous aussi ! Il nous a donc fait confiance pour notre premier événement king size ! Exposition, chorale, dédicace, rencontre VIP, ex-libris… Portugal a eu droit à tous les égards. Normal pour un album d’exception !

Coup de cœur :

Les Ignorants / E.Davodeau / Futuropolis

Pourquoi celui-ci ? Parce que c’est une ode à la passion ! C’est un modèle d’engagement. C’est l’album qu’il faut offrir à ceux qui ne connaissent pas la BD, à ceux qui ne savent pas reconnaître deux bouteilles de vin. C’est un album qui se laisse siroter lentement doté d’une liste de suggestions à suivre les yeux fermés.

Back to the 10’s ! Episode 1

Que ce soit à la télé, dans les magazines, ou les réseaux sociaux, vous n’y échapperez pas : vous aurez une rétrospective de ce qui a marqué la décennie 2010. Hé bien, nous avons beau être libraires, nous sommes humains, nous aussi. Voici donc un petit florilège des 10 années écoulées et cela tombe bien puisque, peu ou prou, cela correspond aux années d’activités de la librairie !

Alors coupons court à la polémique. Oui, la prochaine décennie ne démarre qu’en 2021, mais tant pis ! Fusionnons nos 10 années civiles et les 10’s !

Enfin, rendons à César ce qui est à César. J’emprunte le concept global de ce best-of au magazine Première dont le hors-série a eu la bonne idée de mêler palmarès, box-office et coups de cœur. Donc moi aussi !

Vous trouverez donc le Grand Prix du Festival d’Angoulême (décerné fin janvier), le Prix de la Meilleure BD des Utopiales (décerné fin octobre), le Grand Prix de la Critique de l’ACBD (décerné début décembre), notre meilleure vente à la MLN (en nombre d’exemplaires jusqu’au 31 décembre) et mon coup de cœur subjectif de l’année écoulée.

 

 

 

2010

Grand Prix du Festival d’Angoulême :

Pascal Brutal T.3 / R.Sattouf / Fluide Glacial

Première entrée de Riad Sattouf dans ce classement et pas la dernière, le jury d’Angoulême a décidé de couronné le Riad Sattouf moqueur et impertinent. Nul ne le sait encore vraiment, mais l’auteur va aller bien au-delà de ce récit humoristique…

Prix de la Meilleure BD des Utopiales :

Derniers Jours d’un Immortel / F.Vehlmann & G.de Bonneval / Futuropolis

SF oblige, ce récit parle tout autant de notre société contemporaine que de notre futur. Dans un monde où la mort où ne recouvre plus les mêmes réalités, où plusieurs peuples coexistent, comment envisager une cohabitation harmonieuse. Sobre, touchant, profond, cet album impose son rythme et son indispensable présence dans vos bibliothèque.

Grand Prix de la Critique de l’ACBD :

Asterios Polyp / D.Mazzuchelli / Casterman

Le très grand et trop rare Mazuchelli ! Celui de Batman Year One, de Daredevil Born Again mais aussi de Big Man ! Le parcours d’Asterios tant physique que mémoriel, avec ses soubresauts, ses accélérations, son intériorité, capte le lecteur pour ne pas le lâcher. Et que dire des trouvailles graphiques pour exprimer la vision de chaque protagonistes ? ! Non, vraiment un gros gros coup de cœur.

Meilleure vente à la MLN :

Troll de Troy T.14 / C.Arleston & JL.Mourier / Soleil

Malgré des rayonnages quasi-vides et des piles modestes (on regrette presque cet instant de frugalité éditoriale à présent), les lecteurs sont au RDV pour notre premier Noël d’indépendants. Et c’est une valeur sûre du divertissement qui arrive en tête des ventes !

Coup de cœur :

Lydie / Zidrou & J.Lafebre / Dargaud

C’est avec cet album que Zidrou s’est révélé en tant que scénariste complet. Jusqu’ici remarqué pour ses histoires humoristiques et jeunesses, il avait déjà commencé à titiller ma curiosité avec La vieille dame qui n’avait jamais joué au tennis et autres nouvelles qui font du bien. Avec Lydie, il va bien au-delà et parvient à émouvoir le lecteur par un récit émouvant, si tendrement humain, optimiste mais qui n’a pas peur d’aborder le deuil, la tristesse, la perte… J’entrevoyais alors de possibles pépites à venir : le futur allait me donner raison.

Des albums « myosotis »…

Pourquoi myosotis ? Parce que cette fleur a pour surnom anglais « Forget-me-not » et ces trois albums perdus dans le maelstrom des grandes nouveautés eux non plus ne doivent pas être oubliés. Un titre tiré pas les cheveux ? Qu’importe, je n’en avais pas d’autres (et puis c’est cohérent pour un chevelu) !

Commençons pas un onirisme échevelé (je file la métaphore) avec « Le Dieu Vagabond » de Fabrizio Dori, paru aux éditions Sarbacane. Eustis raconte à qui veut bien l’écouter ou lui donner son vin quotidien qu’il faisait partie de la thiase, le cortège Dionysiaque de l’Age d’Or. Une malencontreuse poursuite après une nymphe effarouchée lui voua la colère d’une déesse sévère et l’errance sur Terre. Plus de 2500 ans de punition, tout de même… Toutefois, ce vagabond rêveur dit-il la vérité? Est-il un ancien satyre éloigné des siens ? Un simple rêveur ? En tout cas, certains de ses voisins tentent le pari de le croire et l’accompagnent dans sa quête de rédemption. Ils leur faudra braver les enfers, rêver leur vie et se réconcilier avec les trois figures divines de la Lune ! L’Odyssée, en comparaison, n’était qu’une partie de rigolade !

Fabrizio Dori impose en quelques pages un style très marqué, rejeton incroyable de l’esthétique grecque revue par le prisme de Klimt et/ou des impressionnistes. Ses planches doivent autant à Mucha par leur construction qu’à Van Gogh pour ses couleurs changeantes. Avec une connaissance fine des mythes antiques et des mystères dionysiaques, il habille son intrigue sans imposer son savoir. Et surtout, comme Pan, les silènes et les ménades, il nous mène, enjoués, au fil des pages, alternant joie, peine, émotion et rire. Laissez-vous, vous aussi, entraîner dans cette sarabande graphique !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On change radicalement d’ambiance avec le tome 1 de « Virus » de Sylvain Ricard au scénario et Rica au dessin, le tout aux éditions Delcourt !

Alors, bien sûr, on aimerait un petit avertissement du style : « Attention, toutes ressemblances avec des situations réelles seraient fortuites. Ne vous inquiétez pas c’est de la fiction« . Pas du tout ! Au contraire même : un copieux dossier final nous rappelle (de manière un peu anxiogène) la réalité des expériences militaires sur les virus. On y apprend les tâtonnements de la science, les visées stratégiques, les excuses préventives qui additionnés donnent un cocktail délétère. Dans ce récit, un scientifique porteur d’un virus génétiquement modifié, hautement pathogène et dans bien des cas mortel se retrouve dans un lieu confiné… mais surpeuplé ! En effet, il s’est sciemment rendu à bord d’un bateau de croisière en partance pour les Etats-Unis. Les autorités sont au courant, les hautes instances savent la dangerosité de ce virus sorti de son laboratoire. Que se passera-t-il lorsque la nouvelle en même temps que la maladie se répandra sur la population ? Combien d’individus seront sacrifiables pour sauver la société ? Pour sauver le président ? Ce thriller dont le tome 2 est annoncé pour la fin de l’année se lit d’une traite. Avec une légère suer froide dans le dos…

 

La Révolution française de 1789, bien qu’étant un tournant marquant de l’histoire de notre pays, a été peu explorée en bande dessinée. Alors que l’on ne compte plus les récits napoléoniens, que les deux guerres mondiales sont jalonnées de nombreux albums de qualité, la fin du 18ème siècle est abordée timidement et jamais de manière pérenne. Pourquoi ? Est-ce une période trop riche en événements ? Trop complexe dans ses rouages politiques ? Trop « sacrée » pour que la BD s’en empare avec ses gros sabots réducteurs ? Peut-être un peu de tout ça sans doute.

En tout cas, Florent Grouazel et Younn Locard comblent talentueusement une lacune avec « Révolution« publiée aux éditions Acte Sud/L’An 2. Dans le premier tome de cette trilogie sobrement titré « Liberté », les auteurs nous plongent sans fards dans le tumulte populaire. Le peuple a faim, il ne supporte plus les injustices qui l’accablent et le moindre changement politique est vu comme une trahison. L’insurrection est proche et la noblesse, qu’elle soit proche du roi ou au contraire mise à l’écart, rajoute de l’huile sur le feu avec ses interminables manigances. Seuls les députés peuvent encore jouer d’une quelconque influence alors que le Tiers Etats songent à prendre les armes.

Les auteurs ont choisi d’associer personnages historiques avérés et figures de fiction afin de nous rendre témoins de tous les bouleversements en jeu du haut en bas de cette société. A travers trois lignes d’intrigues qui se croisent, nous voyons l’inéluctable révolution se mettre en branle. Tout d’abord, Marie et Louise deux jeunes filles issues des classes populaires, ballottées par les émeutes ; Abel de Kevélégan, frère du député Augustin de Kervélégan, qui ne connait rien à la politique et débarquant de sa province découvre un Paris foisonnant autant enivrant que dangereux; enfin Jérôme Laigret, noble désargenté, œuvrant dans l’ombre pour la destitution du Roi avec peu de succès…

Je vous encourage très vivement à découvrir cette fresque historique de haute tenue !

[Au moment où je conclus ces lignes, j’apprends que simultanément Glénat et Delcourt lancent des séries se déroulant durant la Révolution. Patience…]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et pour en terminer avec les myosotis, je vous encourage à découvrir ou redécouvrir les œuvres de Kenji Tsuruta (auteur de Forget-me-not, vous suivez ?) : l’Île errante et les aventures d’Emanon

Le feu et la braise

Les lacrymogènes se sont dissipés dans les rues, mais leurs vapeurs délétères ont néanmoins imprégné quelques pages de BD. Contestations, revendications ou simples constats, les auteurs (des citoyens comme tout le monde après tout) se sont emparé de l’ambiance de notre société pour en dépeindre d’autres pas si étrangères.

Marcos Prior et David Rubin ont choisi de prendre les armes graphiques. Dans « Grand Hôtel Abîme » (éd.Rackham), le peuple est chaque jour un peu plus dépouillé de ses droits, de ses libertés, pire : de ses moyens de subsistance. Alors que la grande majorité ne prend pas conscience de ses entraves par un matraquage continu d’images hypnotiques, d’infos inutiles et de bavardages incessants, seule la violence aveugle semble être une échappatoire pour quelques citoyens lucides… A travers quelques chapitres bien anxiogènes, les auteurs poussent les travers actuels de notre société juste quelques crans au-dessus, là où une étincelle pourrait tout embraser.

 

Une autre société est engluée dans le mensonge des élites, celle de l’album « Sérum ». Pourtant, la vérité y est une vertu cardinale, prônée à tort et à travers par la Présidente en place… Kader a été condamné après les purges politiques qui ont « assaini » la société : une puissante drogue lui a été injectée, l’obligeant à dire constamment la vérité. Sa vie est alors devenue un enfer, comment vivre à proximité d’un homme qui n’a plus aucun filtre social, plus de distances, plus de secrets ? Du fond de la ville où il a échoué, il s’aperçoit néanmoins qu’une forme de résistance au régime dictatorial est en train de poindre dans un Paris aseptisé. Le début d’une révolution ou une illusion encore brisée ? Ce scénario de Cyril Pedrosa sur les dessins de Nicolas Gaignard a été entamé il y a de nombreuses années, bien avant de récentes campagnes électorales. Pourtant ce récit d’anticipation politique publié aux éditions Delcourt n’a jamais été aussi raccord avec l’actualité.   

Il y a plus de 20 ans, Jean Van Hamme et Griffo signaient un récit dystopique  qui avait marqué toute une génération. « SOS Bonheur » dépeignait une France intemporelle condamnée au bonheur à tout prix, à la prise de risque minimale et au nivellement des libertés. Par de petits chapitres grinçants, cyniques et dérangeants par leur vraisemblance, les auteurs nous alertaient déjà de la pente dangereuse qu’empruntait notre société. Vingt ans plus tard, tout a changé et rien n’a changé. Immigration encadrée, morale punitive, présomption de culpabilité, encouragement à la délation, Stephan Desberg s’empare de toutes ces atteintes à la liberté à la suite de J.V.Hamme. Dans une France encore une fois si proche de la nôtre, Griffo continue dans cette seconde saison (toujours aux éditions Dupuis) à nous invectiver à ouvrir les yeux, à prendre conscience. Sans doute pour qu’il n’y ait pas de saison 3…

 

 

Ce panorama marqué par la rancœur et la déception de voir l’incapacité de nos gouvernements à nous montrer la voie ne serait pas complet sans les deux regards espagnols de Miguelanxo Prado avec « Proies Faciles » (Rue de Sèvres) déjà chroniqué par le Grand Libraire ici et « Au Fil de l’eau » de Juan Canales (également Rue de Sèvres).

Vivement les lendemains qui chantent !

Seulement trois des Sept

Alors que « 7 Macchabées »,  le dernier tome de la Saison 3 de la collection 7 (éd.Delcourt) paraît, plusieurs phénomènes s’enchaînent.

Tout d’abord, la satisfaction de lire un album bien maîtrisé, scénaritiquement, graphiquement et narrativement, le triangle parfait de la BD.

Ensuite, le soulagement de voir que, comme les deux saisons précédentes, un album se démarque largement du reste de la collection par ses qualités, même si c’est à la fin.

Enfin, la joie de voir que mon opinion est partagé par Gérald qui a dégainé plus vite que moi 🙂 et Romain qui n’en pense pas moins.

J’éviterai donc les redites : lisez son article. Je me contente seulement de souligner que chaque saison a proposé un album qui a su saisir l’essence même du concept de Sept. La première saison s’est épanouie avec « 7 Missionnaires« , la deuxième avec « 7 Détectives » et la troisième (et dernière selon l’éditeur) avec « 7 Macchabées« .

En quoi consiste-t-il, ce concept ? A trouver un équilibre extrêmement subtil entre une histoire de groupe et une histoire d’individualités. Il est indispensable que l’intrigue concerne chacun, le groupe des 7, mais pas comme un bloc sans aspérité, mais comme une mini société. Les réactions aux événements et aux péripéties doivent se décliner selon les caractéristiques de chacun, tout en gardant une harmonie globale.

D’autre part, chaque personnage doit avoir une épaisseur, un passé, un caractère qui l’individualisent des autres, sans toutefois qu’apparaisse une juxtaposition de personnages autonomes. La pagination réduite ne permettrait pas d’en dire suffisamment et une frustration en résulterait. Chaque personnage doit trouver sa place aussi bien dans l’économie de l’intrigue que dans le champs des archétypes. Et doit éviter donc l’écueil du personnage « sacrifiable », du « traître évident » etc. 

Quant à l’intrigue, elle doit être sobre dans ses objectifs pour que que puissent apparaître tous le talent des auteurs. Trop alambiquée ou ambitieuse, et elle n’a pas le temps de se dévoiler. Trop simpliste, elle n’apparaît que comme un jeu d’écriture imposé.

 

« 7 Macchabées« , c’est avant tout l’association vertueuse d’Henri Meunier au scénario et Etienne Leroux au dessin. Le premier est un scénariste rare et donc précieux, qui sait manier l’art difficile du one-shot avec doigté. Il avait magnifié le western avec « Après la Nuit » en compagnie de Richard Guérineau au meilleur de son art (éd.Delcourt). Il avait bousculé la série concept « Le Casse » (toujours chez le même éditeur avec le même dessinateur) en transformant le postulat du thriller-braquage en rapt de la dépouille du Christ !

Ici, l’intrigue est limpide : l’armée anglaise a réussi à redonner vie à des défunts par des moyens scientifiques. De plus, elle veut symboliquement affirmer sa suprématie en damant le pion à l’empire allemand en étant la première à revendiquer l’Antarctique. La Couronne décide donc de faire d’une pierre deux coups, vérifier la viabilité de ces résurrections en envoyant ces morts-vivants planter l’Union Jack sur la banquise. Un but simple, une intrigue simple : cela permet de faire évoluer sereinement ses personnages et proposer une histoire aux enjeux solides.

Etienne Le Roux est un vrai caméléon, au bon sens du terme. Il se coule graphiquement dans chacun des projets qu’il réalise tout en gardant sa propre patte. Ses personnages sont humains, attachants, réalistes. Son sens du cadrage permet un rythme qui maintient le lecteur attentif que cela soit dans des pages d’action ou des scènes d’explication. Il joue avec les codes classiques pour gagner en efficacité.

Je vous ai dit que cela m’avait plu ? 

Ne nous méprenons pas, d’autres albums de cette collection ont été de grande qualité. Comme l’a dit mon collègue, nous ne citerons pas les mêmes selon nos propres goûts. Certains ont frôlé la perfection, d’autres se sont perdus dans des concepts pourtant séduisants. Il en résulte une collection où l’on a pu voir de grands noms et de nouveaux venus se casser la tête avec un postulat simple et produire des œuvres de qualité.

Lors de votre prochain passage à la librairie, nous vous montrerons ceux qui ont fait vibrer nos cœurs.

 

Tout n’est qu’une histoire de Lettres

Rares sont les albums où le langage, les dialogues, la matière littéraire font l’objet d’un travail méticuleux. Non pas que les scénaristes ou autres auteurs délaissent cet aspect de la création, mais dans leur souci d’efficacité, de vraisemblance ou de concision, ils sont contraints à de nombreuses concessions.

 

Parfois, au détour d’un album, se nichent le dialogue bien ciselé, la verve truculente, le bon mot bien placé. Quand l’auteur est bien inspiré, on touche à des moments de pure poésie. Le décalage avec le discours habituel peut apporter son lot d’élévation et/ou d’humour. Alain Ayroles, entre autres, s’est ainsi frotté à l’alexandrin dans « De cape et de croc » (éd.Delcourt).

 

 

Ici aussi, l’alexandrin est bien au centre du nouveau récit de Pascal Rabaté et Alain Kokor. Dans son titre, tout d’abord (« Alexandrin ou l’art de faire des vers à pied« ), également dans le nom du personnage principal (le si bien nommé Alexandrin de Vanneville), mais avant tout dans les paroles de ce poète errant. Pas tout à fait vagabond, presque philosophe, assurément philanthrope, Alexandrin propose ses vers à qui sera suffisamment sensible pour les recevoir. Pour adoucir les vicissitudes de l’existence, il se fait un devoir de rimer et rythmer chacune de ses phrases. Tout y est, de la césure aux douze pieds ! Sa route va croiser celle de Kévin, jeune garçon en rupture de ban familial. Alexandrin va le prendre sous son aile, le faire rimailler et surtout lui proposer une autre existence où la poésie pourrait changer le cœur des hommes…

 

 Quel plaisir de retrouver Alain Kokor et son talent d’ « émerveilleur » ! Quel joie de le voir s’associer avec Pascal Rabaté, l’artisan des petites joies. Leurs univers étaient faits pour se rencontrer, s’enrichir l’un l’autre. La poésie de l’un, la bonhomie de l’autre et le génie des deux permettent à cet album édité chez Futuropolis de se hausser très vite dans mes recommandations de la rentrée !

 

 

 

 

 

Un autre auteur que j’ai plaisir à retrouver en cette rentrée est Kenji Tsuruta. Auteur rare tant au Japon qu’en France, il m’avait émerveillé avec « Spirit of Wonder » il y a presque 20 ans puis avec « Forget-me-not » tous deux aux éditions Casterman. Depuis, plus grand chose à se mettre réellement sous la dent. Enfin, vient de paraître aux éditions Latitudes (émanation de Ki-oon) le premier tome de « L’Île errante« .

 

Mikura Amelia est pilote dans une compagnie de fret, assurant les liaisons aériennes entre les minuscules îles de la Mer du Japon. Avec son hydravion, elle sillonne mer et ciel pour apporter colis et courrier à tous ces habitants. Élevée par son grand-père qui a créée cette entreprise de transport, elle se retrouve désemparée à la mort de celui-ci. Elle décide toutefois de prendre les rênes de la société et d’habiter dans sa maison. Elle y retrouve ainsi un colis qui n’a pas été livrée pour une certaine Amelia. Cette dernière réside sur l’île d’Electriciteit. Or cette île n’existe pas…

 

 

 

Kenji Tsuruta nous plonge dans un récit où s’entremêlent fantastique et mélancolie, tout en silence et légèreté. Son trait n’a rien perdu de sa précision et il n’est pas avare de détails. Nous espérons que la suite ne se fera pas attendre. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, Latitudes annoncent la sortie d’un récit complet du même auteur au premier semestre 2018 !

Bonne lecture.

Alexandrin ou l’art de faire des vers à pied / A.Kokor & P.Rabaté / éd.Futuropolis

L’Île errante / K.Tsuruta / éd.Latitudes