… d’octobre et novembre 2016. Panorama rapide de mes lectures réjouissantes. Celles qui ne l’étaient pas, je les oublie ! Bien sûr, il y a aussi des albums que je n’ai pas lus !
La couverture à elle seule donne le ton : minaret et Tour Eiffel se mêlent dans un élan vertical immuable. S’appuyant sur le témoignage du jeune Haytham, l’album éponyme tente avec le plus d’exactitude possible de rendre compréhensible la situation en Syrie et ses conséquences dans toutes les couches de la population. Journaliste, Nicolas Hénin nous brosse un portrait tout en nuances où les opposants au régime ne sont pas obligatoirement des fanatiques religieux. Quant au parcours du jeune homme, il porte en lui un véritable message d’espoir.
Haytham, une jeunesse syrienne – Nicolas Hénin & Kyung Eun Park – éd.Dargaud
Déjà évoqué lors d’une précédente chronique, Les Deuxièmes est un petit album singulier où deux amants profitent d’une escapade pour s’adonner aux jeux de l’amour. Leurs réflexions flottent entre la relation très particulière qu’ils entretiennent mais aussi sur la possibilité – ou non – de composer une partition de l’acte sexuel. Musiciens tous les deux, pourraient-ils créer une œuvre commune quand ils font l’amour comme c’est le cas lorsqu’ils jouent ensemble ? Original sans être exceptionnel, cet album canadien laisse un goût doux-amer plaisant.
Les Deuxièmes – Zviane – éd.Pow Wow
Une plongée dans les mythes fondateurs de la Grèce Antique apporte son lot d’émerveillements et de réflexions sur la nature humaine. Les Dieux pas si éloignés des défauts et des qualités humaines interviennent dans le cours de leur existence pour le pire ou le meilleur. L’Iliade, Prométhée, Jason et Thésée, voilà les légendes qui ont été d’ores et déjà abordées. Destinés à un jeune public autant qu’aux adultes, ces albums se concluent par un dossier documentaire de qualité.
La sagesse des mythes – collectif – éd.Glénat
Lorsque deux très grands raconteurs d’histoires s’unissent pour modeler une fable moderne, on ne peut que s’attendre à une explosion de plaisir. Franck Le Gall et Michel Plessix ne nous déçoivent pas avec ce conte qui ravira grands et petits (mais pas pour les mêmes raisons). Un jeune garçon fasciné par la longue procession des fourmis va devoir surveiller les chèvres de son oncle lorsque celui-ci va partir un mois pour un pèlerinage. Or cet apprenti berger va découvrir qu’une de ces bêtes… parle ! A noter qu’une version collector noir et blanc met en valeur le trait précis et puissant de l’auteur du Vent dans les Saules.
Là où vont les fourmis – Franck Le Gall & Michel Plessix – éd.Casterman
Voilà un album comme on les aime : truculent, percutant, rebondissant ! Un quatuor de malfrats a braqué une banque avec succès. Pour se mettre au vert et attendre que les choses se tassent, ils ont décidé de se cacher dans la ferme du cousin de l’un d’entre eux. Sauf que lors de leur dernière entrevue, ils ne s’étaient pas quittés en très bons termes. Quant au plan, il va subir de multiples accrocs… Avec des personnages hauts en couleur et des dialogues que ne renieraient pas Audiard, le duo Ravard-Ducoudray se reforme pour assurément un succès de plus !
Mort aux vaches – Aurélien Ducoudray & François Ravard – éd.Futuropolis
Les albums sur ou autour de la Guerre d’Espagne, jusqu’à ces dernières années quasiment invisibles, fleurissent sur nos tables. Citons les qualités de deux d’entre eux abordant chacun à leur manière le conflit et ses lourdes années d’oppression. Nuit Noire sur Brest raconte l’histoire vraie de l’arrivée à Brest d’un sous-marin espagnol détourné par des Républicains. Objet de toutes les convoitises et de crispations politiques, ce sous-marin et son équipage vont être la cible des franquistes, les protégés des communistes européens et la gêne du gouvernement français. Dans Jamais je n’aurai 20 ans, là encore un récit authentique nous éclaire sur la période qui a suivi l’accession au pouvoir de Franco. Les « perdants » se doivent d’être prudents dans leur conviction et dans les liens qu’ils tissent car après une guerre civile, chaque voisin a pu être l’allié ou l’ennemi de jadis. Pour ces deux albums, un dossier documentaire éclaire les circonstances entourant l’événement.
Nuit noire sur Brest – Bertrand Gallic, Kris & Damien Cuvillier – éd.Futuropolis
Jamais je n’aurai 20 ans – Jaime Martin – éd.Dupuis
Guy Delisle ne propose ici ni récit humoristique ni carnet subjectif de voyage. Il illustre l’histoire vraie de la détention de Christophe André en Tchétchénie. Il réussit le tour de force de ne rendre ni ennuyeuses ni répétitives les longues journées où le responsable d’une ONG ne fait… rien. Sur près de 300 pages, nous sommes comme ce personnage dans l’expectative d’une éventuelle libération, d’un possible événement atypique qui modifiera le ronronnement de cet emprisonnement. A lire d’une traite !
S’enfuir – Guy Delisle – éd.Dargaud
Insensible cœur, le lecteur qui ne versera pas une petite larme à la fin du tome 6 de Sunny, dernier de la série. Comment ne pas regretter la séparation avec ces si attachants pensionnaires de cet orphelinat qui ne dit pas son nom ? Toutefois, comment ne pas louer la lucidité de l’auteur d’achever son récit à un moment charnière de la vie de l’un d’eux et de ne pas continuer jusqu’à en lasser le lecteur ? On ne vous le répétera jamais assez (et Gérald l’a déjà dit ici), Taiyou Matsumoto est un très grand mangaka et maintenant qu’il a mis un point final à Sunny vous n’avez plus d’excuses pour ne pas le lire !
Sunny T.6 – Taiyou Matsumoto – éd.Kana
Comment ne pas aimer ce sale fils de … de John Constantine ? Son cynisme, ses réparties cinglantes, son regard lucide sur les noirceurs de l’âme humaine masquent à peine les qualités de celui qui par loyauté se retrouve en taule. Pour moi, un des meilleurs « run » sur le mage londonien. Ecrit par Brian Azzarello – 100 hundred bullets – il marque un tournant dans l’évolution du personnage. Et par chance, ce cycle de deux tomes peut se lire sans avoir lu ce qui précède ou ce qui suit. Y’a pu ka !
Hellblazer par Azzarello – Brian Azarello , Richard Corben, Steve Dillon & Marcello Frusin – éd.Urban
Les paradoxes temporels, les effets dominos ou papillon, mais qu’est-ce qu’on en a foutre dans Chrononauts ! On voyage dans le temps, on prend du plaisir et c’est fun. Après si Gengis Khan se retrouve à la tête de la Panzer Division, c’est un autre problème. C’est ce qui arrive lorsqu’un scientifique, sous pression, jusqu’ici bien sous tous rapports se retrouve à pouvoir faire joujou avec le flux temporel. Sean Murphy et Mark Millar s’en donnent à cœur joie pour un album qui se suffit à lui-même contrairement à ce que le T.1 semble vouloir dire sur la couverture.
Chrononauts T1 – Mark Millar & Sean Murphy – éd.Panini
Pénélope Bagieu brosse le portrait de femmes qui volontairement ou non ont porté la cause féministe. De toute époque, de tout milieu, par le refus des règles, par leur conviction ou à cause des circonstances, ces femmes appartiennent à une dynastie qui a changé notre société. Rapides, concises et rafraîchissantes, ces biographies nous rappellent que la route est encore longue mais que du chemin a été parcouru.
Culottées – Pénélope Bagieu – éd.Gallimard
Jeu d’ombres offre une vision contrastée et pertinente des banlieues lyonnaises et des populations immigrés qui y vivent. Deux frères aux origines turques suivent des parcours radicalement différents. Cengiz s’implique auprès des jeunes, apaisent les tensions, parlemente avec les autorités, devient en somme un visage apaisé de l’immigration jusqu’ici décriée. Sayar, lui, est un caïd qui s’enfonce de plus dans la violence et la radicalisation. Un accident et ses conséquences vont changer le cours de leur destin. Un dyptique qui ne lorgne ni vers l’angélisme ni la stigmatisation mais bien vers le pragmatisme et l’acceptation de tous les paramètres. A découvrir avant les élections.
Jeu d’ombres – Loulou Dédola & Merwan – éd.Glénat