Aller retour en plein hiver

Il y a des auteurs que l’on aime retrouver régulièrement, que l’on suit, un peu les yeux fermés, dans chacune de leurs expérimentations. Parfois déçus, souvent confortés dans l’idée qu’ils sont de grands auteurs, nous abordons avec eux des nouveaux plaisirs de lecture.

En ce début d’année 2012, il en est deux parmi ces auteurs que nous retrouvons avec plaisir : Frédéric Bezian  et Paco Roca.

Pour lepremier, depuis longtemps, vos trois libraires (préférés !) sont entièrement voués à la cause de ce très grand dessinateur. « Ne Touchez à Rien« , « Les Gardes-Fous » sont autant d’albums que nous mettons entre les mains de lecteurs en quête de nouvelles expériences. Son graphisme sec et anguleux, ses scénarios complexes, ses choix de couleurs,… sont sans conteste des marques d’indépendance de style qu’il instille avec brio. Il impose une ambiance crépusculaire où le mystère mêlé aux expériences intimes ne sont pas étrangers. Si l’album sur Bourdelle était trop abscon pour moi et son journal personnel anecdotique, je sentais que « Aller-Retour » allait être une bonne expérience de lecture.

Bingo ! Mais attention là encore, Bézian est un auteur exigeant dont les oeuvres ne se laissent pas percer dès les premières pages, il faut du temps et se laisser s’imprégner de l’atmosphère surannée et nostalgique. Pour qu’enfin – à la fin – tout se dévoile… Dès lors, l’errance de Basile Far, cet homme aux pensées intérieures riches et virevoltantes, dans une petite bourgade de province prend tout son sens. Et les bouffées des années 60-70 tout autant.

J’avais découvert pour la première fois le travail de Paco Roca dans le très inquiétant et très surprenant « Le Jeu Lugubre » où il revisitait la vie de Salvador Dali. J’avais apprécié « Rides » et le traitement juste et sans pathos apporté sur la maladie d’Alzheimer. « L’Ange de la Retirada » avait également attiré ma sympathie. Ici, avec « L’Hiver du Dessinateur », Paco Roca brosse le quotidien de dessinateurs de bandes dessinées espagnols dans la fin des années 50. En faisant des bonds dans le temps, Roca, s’appuyant sur des témoignages divers et une solide documentation (agrémentés de souvenirs de lectures personnelles sans aucun doute) nous fait pénétrer dans la rédaction du magazine Pulgarcito détenu par les éditions Bruguera. Ces dernières tenaient d’une main de fer la destinée de nombreux auteurs et maintenaient à tout prix le monopole, n’hésitant pas à briser les volontés d’émancipation de certains dessinateurs voulant créer leur propre revue. Avec finesse, Roca restitue une société figée dans le Franquisme où toutes les libertés n’ont pas leur place.  Avec nostalgie mais sans larmoyance et surtout en étant accessible aux lecteurs français que nous sommes, il réinvoque une époque. En plus c’est un très bel objet. A ce propos, je pense que les couleurs différentes de chaque cahier du livre doivent faire référence aux couleurs des cahiers des magazines de l’époque. Quelqu’un peut confirmer ?

En tout cas, deux bien belles lectures !!