A chaque rentrée c’est pareille, on n’a pas envie de se lever le matin, on traine des pieds pour retarder au maximum le moment où l’on va se rendre à l’école, ou au boulot, et pourtant, une fois arrivé sur place, on se laisse gagner par l’émotion, des visages connus à peine perdus de vue, d’autres qui surgissent du passé et qui s’étaient fait oublier, et des petits nouveaux qui risquent de se faire remarquer. Cela fait déjà 3 semaines que la reprise éditoriale a eu lieu et l’on ne sait déjà plus où donner de la tête, et non content d’avoir plein de nouveautés à vous présenter, je vais même vous remettre en avant un VIEUX titre qui à AU MOINS 1 AN, y’en a parmi vous qui étaient même pas nés…
Pour celles et ceux qui l’ignorent encore, 2014 est l’année du centenaire de ce qui s’est passé en 1914, il ne faut pas chercher à comprendre, c’est comme ça vous n’y pouvez rien. Et pendant les 4 années à venir vous n’avez pas fini de voir un paquet de livres, d’ouvrages de toutes sortes, de Bandes Dessinées, de magazines, de reportages, d’émissions de radio, télé… consacrés à la 1ère guerre mondiale. Pour beaucoup de cas, vous verrez des sujets précis, des personnages historiques, des moments clés, mais ceux qui m’intéressent sont plus subtiles, je profite donc de l’occasion de la sortie de La patrouille des invisibles d’Olivier Supiot aux éditions Glénat et du premier tome de Le chant du cygne de Babouche, Dorison et Herzet aux éditions du Lombard dans leur collection Signé, pour remettre en avant Les folies Bergères de Porcel & Zidrou qui sortit courant 2012 aux éditions Dargaud.
Pourquoi mettre en avant ces 3 récits ? Ben, parce qu’ils sont diantrement bons mon bon ami. Mais pourquoi ces 3 là, précisément ? Ben, parce que narrativement et graphiquement ils sont bigrement terribles mon cher ami. Et que pourriez vous m’en dire pour me convaincre de choisir ces 3 là plutôt que d’autres que vous avez parfois encensés, comme Notre mère la guerre de Kris & Maël chez Futuropolis, par exemple ? Ben parce que c’est ma chronique, donc mon choix, et que si tu tiens a ce que l’on reste ami, tu vas arrêter de poser des questions et lire la suite. Dans le cas des Folies Bergères, peut-être que la couverture de l’album paraissait agressive, mais elle n’en demeurait pas moins efficace et réaliste, ils furent nombreux ceux qui y laissèrent leurs os blanchirent au fin fond des tranchées. Son titre, comme le dit si bien l’un des soldats, « Les folies Bergères, ça sonne mieux que la 17e compagnie d’infanterie, pas vrai ? »; et il n’a pas tout à fait tort. Dans cette histoire on suivait quelques membres d’un bataillon, chacun y apportait sa propre histoire, ses propres pensées, et pendant qu’ils se retrouvent isolés sur le front, une part de leur vie continuait sans eux son petit bonhomme de chemin. (petite parenthèse pour expliquer qu’en écrivant « petit bonhomme de chemin », je me fais marrer tout seul parce que je parle de l’album de Mathieu Bonhomme un peu plus loin dans l’article, qui, soit dit en passant au moment où j’écris ces mots, la partie consacrée à son titre n’existe que dans ma tête au milieu de tout un tas d’autres choses qui forment un bien beau foutoir). Le jeune frère de l’un des soldats casse les pieds de Monet afin qu’il mette ne serait-ce qu’une grenouille sur ses nénuphars, ou alors c’est parce qu’il ne sait pas les dessiner, pffff le nul. L’un des nombreux condamnés à mort exécutés au cours du conflit par son propre camp, pour une modeste histoire d’insubordination ou une futile histoire quelconque qui pouvait amener un gradé à vouloir passer par les armes n’importe quel trouffion qui passait à portée d’un peloton d’exécution, seulement voilà, on a beau lui tirer dessus, il ne veut pas mourir ce c**. Tout un tableau, que l’on admire, dans le drame qui se prépare, on se surprend à rire, les touches de couleurs qui apparaissent sporadiquement dans l’album sont comme les bulles de savon qui captent l’attention le temps d’un moment éphémère.
La patrouille des invisibles, C’est le retour d’un artiste que nous aimons beaucoup tout les trois, nous avions eu le privilège de recevoir Olivier Supiot à l’occasion de la sortie de Marmelade (chez Glénat également) et je saisi ma chance cette fois là pour lui dire tout le bien que je pense de son travail. Et voilà qu’il remet ça le saligaud de Supiot. Ce suppôt du 9e art revient avec un récit de poilus, l’introduction se fait par le biais de Hubert Lessac, pilote de l’aviation Française au cours de la 1ère guerre mondiale, ce combattant affiche déjà 19 victoires à son actif, un fait d’armes qui lui permet de faire la une des médias qui attisent la propagande afin de soutenir l’effort national. Seulement Hubert, lui, ne souhaite qu’une chose: mourir. L’envie ce n’est pas tout, la force de volonté pour passer à l’acte, il ne l’a pas, et nul adversaire n’a encore été en mesure de satisfaire ses attentes et lui faire mordre la poussière. Sa route va être amenée à croiser celle de Milo, du Gros Pierrot, du François ou encore de Titouan Kerzadec.
Ces hommes sont l’exemple le plus classique de camarades qui s’unissent à la vie, à la mort grâce à une amitié qui prend sa source dans une situation désespérée, une union qui renforce leurs liens, mais c’est aussi la confiance accordée à ceux en qui ils ont confiance afin de se sortir de ce bourbier et si possible en un seul morceau. Et ce sont des gars comme Titouan qui vous consolide un groupe pareil, un personnage charismatique, hors norme, une légende qui tétanise les adversaires: « Il était un homme de boue et de ferraille… Un pourvoyeur de mort. »
Tous ensemble, ils vont être amener à faire un bout de chemin, sous les bombardements et la mitraille, certains regards porteront bien au delà de ce qu’ils ont pu côtoyer au cours de cette expérience. Olivier n’a pas son pareil, on pourrait d’abord croire que son style graphique ne serait pas le mieux adapté pour le genre de récit qu’il choisi de mettre sur papier, et à chaque fois cela marche. C’est fou, ses albums sont comme le bonhomme (bon cela fait deux fois déjà), il ne faut jamais se fier aux apparences, La patrouille des invisibles est un grand album, n’en doutez pas.
Le chant du cygne, une première partie pour ce récit en 2 tomes, de Babouche, Dorison et Herzet, dans la collection Signé du Lombard. Comme les deux titres précédents, l’originalité du graphisme pour ce genre de récit capte mon attention, il y a du mouvement, des effets de style, un côté brut… avec des moments d’apaisement. Ce que je viens d’écrire peu ne rien vouloir dire comme cela peut tout bonnement résumer le charme et le génie de l’album, j’en suis bien conscient.
C’est la guerre, c’est moche, cette désolation tout autour de vous, c’est l’unique vestige de la luxuriance des bois et de la nature qui pullulait autrefois, maintenant tout est uniformément gris, marron, terne… Les tranchées se succèdent avec leurs lots de trous d’obus sporadiquement épars tout autour du cantonnement qui nous intéresse. Le Chemin des Dames est de nos jours célèbres par son lot de morts accumulés lors de ce conflit, des morts inutiles et idiotes, où l’on envoyait à l’abattoir les hommes par milliers. Et en ce jour, rien de nouveau, les hommes qui se faisaient une joie de leur permission qui leur était accordée, se voient obligés de s’assoir dessus, la boucherie est de nouveau au rendez-vous, et c’est au cul des chars que les régiments vont de nouveau monter en première ligne, exposés aux bombardements, aux gaz, à l’horreur.
Comme la goutte d’eau qui pourrait faire déborder un océan, c’est un simple bout de papier qui vient bouleverser la vie des combattants, si leurs supérieurs apprennent la présence de ces feuillets au sein de la compagnie, il y en a qui risquent de finir collés au mur.
Aussi saugrenu que cela puisse paraître, une pétition regroupant le nom de milliers de soldats circule, une pétition afin de se rebeller contre les décisions imbéciles qui envoient à l’abattoir les hommes chaque jour, des ordres stupides que tous ne peuvent plus supporter, las de voir leurs amis s’écrouler à leur côté et garnir d’une nouvelle fleur ensanglantée le champ de bataille. Ce brulot, il faut qu’il fasse le tour des compagnies afin que sous le poids du nombre les politiques plient à leur exigences, le document doit donc être amener jusqu’à l’assemblée nationale quitte à ce que les porteurs soient de plus considérés comme déserteurs. Voici donc ma première sélection consacrée à la première guerre mondiale, nous avons encore quatre belles années de commémorations qui risquent de nous offrir encore d’autres titres sur le sujet et, espérons le, aussi bons que ceux là.
Allez faisons place à un peu plus de légèreté avec le titre suivant, le deuxième opus de Texas Cowboy, The Best Wild West Stories Published, Mathieu Bonhomme et Lewis Trondheim récidivent avec le genre Western aux éditions Dupuis.
Harvey Drinkwater, un nom parfais pour ce qu’il convient d’appeler « Un pied tendre », un journaleux de la côte Est, est gentiment convié par son patron pour couvrir un reportage que l’un de ses collègues n’est pas en mesure d’assurer, oh rien de bien méchant, se rendre à Fort Worth pour concocter des articles sur les légendes et les stéréotypes du grand ouest sauvage, le genre de littérature publiée de façon épisodique qui émoustille celles et ceux, qui, réfugiés dans leurs grandes villes, s’enorgueillissent de faire partie d’un pays où la sauvagerie est encore existante. Comme le dit si bien son patron: « Hell’s Half Acre à Fort Worth, le pire de toute la racaille des ploucs de l’ouest rassemblé sur un espace grand comme le cul d’une mouche« ; peut-être cela donnera des idées de destination de vacances pour certains parmi vous.
Les deux albums sont découpés en chapitres, comme si vous lisiez les fameux articles de Drinkwater, on le suit pas à pas, tout en découvrant les différents portraits qu’il dépeint à chaque fois. Ainsi, au même endroit, chacun vit sa petite histoire qui parfois peuvent avoir une incidence sur la vie d’un autre. Un choix judicieux des auteurs pour composer leur récit.
Dans ce deuxième album, Harvey Drinkwater est rappelé par Forest, l’homme qui lui servit en partie de guide et d’ange gardien lors de son premier périple. Pourquoi ? Oh rien de moins que la présence de Wyatt Earp à Fort Worth, pardi ! Bon Harvey découvrira qu’il y a une autre raison à cet appel, et qui est en lien direct avec ce qui lui était arrivé dans le premier album. Encore cette fois, différents personnages vont se croiser, on voit également la même scène observée par plusieurs angles, petit à petit le dénouement final se met en place. De nouveaux personnages charismatiques entrent en œuvre, comme Butch, « Je suis pas un Hors-la-loi comme Sam Bass, mais je suis plutôt pas mal connu dans l’coin« . Sophia et Mme Cooper, deux Cowgirls qui doivent toujours faire leurs preuves dans ce monde où la force brute l’emporte facilement, ce qui privilégie plutôt les hommes. Ou encore ce manchot, qui contre un verre ou deux, raconte à qui le souhait, dans quelles circonstances il a perdu son bras, une intervention récurrente qui, je l’espère, comme moi, ne vous laissera pas indifférents.
Depuis quelques temps, les séries « concept » arrivent à tirer leur épingle du jeu: 7, Le casse, La grande évasion, Jour J, L’homme de l’année, Oracle, Elfes… Et bien dans les dernières en date, c’est 7 merveilles aux éditions Delcourt, qui m’a bien plu. Sept albums consacrés chacun d’entre-eux à l’un des monuments les plus majestueux de l’histoire de l’Humanité. En cette rentrée, c’est le 3e tome de la série qui vient de paraître: Le phare d’Alexandrie (254 AV. J.C), de Luca Blengino au scénario, Tommaso Bennato au dessin et Cyril Saint-Blanca à la couleur, le projet étant supervisé par David Chauvel.
Ce sont des histoires qui se déroulent à une période contemporaine de chacun des édifices, le but n’étant pas de vous révéler tous les secrets qu’ils ont pu receler mais de mettre en avant un évènement, des personnages dans le giron des constructions. Dans le premier tome, cela se passait à Olympie, lors des jeux Olympiques, plusieurs personnages se croisaient, un athlète participant pour la dernière fois aux jeux et tiens à profiter de l’occasion pour une recherche personnelle, un jeune garçon à la recherche de son père, plus une affaire « d’espionnage » liée à la rivalité entre Olympie et Athènes. Dans le deuxième volume, nous faisions une escale dans les jardins de Babylone, une histoire de potager antique en quelques sortes, non plus sérieusement, c’était l’histoire d’un esclave juif qui voit grâce à ses talents de jardinier, une opportunité d’échapper à sa condition d’esclave, mais certains exploits vous mettent un petit peu trop en avant, et lorsque le roi s’intéresse à vous et vous lance un ultimatum, votre intérêt est d’assurer encore une fois, et même un peu plus.
Et cette fois, nous voici lancés dans une histoire policière, avec des courses poursuites de voitures, des échanges de tirs à balles réelles… ou peut-être pas en fait, je ne suis même pas sûr qu’il y ait des échanges avec la ville de Tyr. Le phare d’Alexandrie, la lumière de la civilisation, salvatrice pour tous les marins qui circulent en mer Méditerranéenne, cet endroit est gardé par un nombre réduit de soldats, mais même eux n’ont pas accès au sommet du phare, seul Andronykos le gardien détient tous les secrets de l’édifice. En cette nuit, Andronykos n’est plus, tel Icare, le gardien a chu du haut du phare, une torche humaine vient de glacer d’effroi les soldats dispersés au pied du bâtiment, les conditions mystérieuses entourant sa mort incite Ptolémée II à lancer une enquête qu’il confie à l’un de ses généraux: Kiostrates. L’homme va faire appel à un jeune érudit, mathématicien de génie mais pas assez conformiste pour ses professeurs. Secrets, mystères, mathématiques, architecture et savoir, voici une partie des ingrédients de ce succulent repas, pour le moment chaque album a rempli sa part de qualité d’écriture, d’histoire et de dessin et à n’en pas douter, cela risque de continuer.
Philippe Squarzoni est également de la partie pour cette rentrée, l’homme est généralement connu pour ses reportages en bandes dessinées: DOL, Garduno en temps de paix, Zapata en temps de guerre, Torture blanche, Saison brune… j’en passe mais la liste de ses œuvres est déjà longue et de qualité.
Avec Mongo est un troll, Philippe Squarzoni présente dans la collection Mirages de Delcourt un récit atypique, une histoire de moyen-âge ? d’Héroïc fantasy ? Ce serait trop simple pour notre auteur de faire une histoire que l’on pourrait cataloguer si facilement, nous allons prendre la route avec Duane et Cameron, comme chaque année à la période des beaux jours, les fêtes de villages vont reprendre leurs droits, l’occasion pour les camelots, autres vendeurs itinérants, saltimbanques ou guérisseurs de venir vendre leur marchandise et leur talent auprès du public. Le pourquoi de leur intérêt pour cette période de l’année n’est pas l’empressement qui les gagne à faire des emplettes, non, Cameron est à la recherche de sa mère, une guérisseuse itinérante qui a disparue depuis pas mal d’années, donc chaque été, ils prennent la route à sa recherche. Ils vont rencontrer en chemin Claire, jeune brune énigmatique (c’est moins drôle sinon), probablement une « magicienne de l’ancien temps » qui va les accompagner, tantôt disparaître, que pour mieux survenir au moment opportun.
Comme le titre l’indique, vous trouverez des trolls ainsi que d’autres bestioles que vous souhaiterez ne pas croiser sur votre route, des bars où vous désaltérer et faire encore d’autres rencontres improbables. Mais à mon gout, ce qui fait que j’ai vraiment aimé cet album, c’est parce que ce récit est le genre d’histoire où l’on ne va pas vous prémâcher le travail, on se contente de prendre la route avec nos deux amis, on s’immisce dans un moment de leur vie, l’auteur laisse une grande part d’interprétation et de réflexion au lecteur, et çà j’adore!