Si le silence est d’or, mon rythme de parution de mes coups de coeur est sépulcral ces derniers temps, mais voilà que l’étrange est au rendez-vous et m’incite à vous faire une petite mise en avant des curiosités du moment.
Mais avant tout, c’est la sortie de Saga t7, de Brian K. Vaughan & Fiona Staples, chez Urban Indies qui est la nouveauté à ne pas rater. A n’en pas douter, cette série reste et restera une de mes plus grosses claques de ces dernières années, une saga intergalactique, mêlant amour, aventure, science-fiction, magie, romance et violence. Un mélange des plus hétéroclites qui surprend le lecteur à chaque page, de par la diversité de ses personnages, de la structure de cet univers, de ses rebondissements, mais surtout par sa narration, celle qui nous conte cette histoire n’est autre que le bébé que nous découvrons au début du premier tome, et qui a décidé de nous faire partager l’histoire de ses parents, deux êtres que tout oppose dont une guerre entre leur deux cultures, l’une alliée à la magie, l’autre à la technologie, un monde étrange et beau, porté par le dessin de Fiona Staples.
A la folie… Pas du tout ! Sora Ono, aux éditions Delcourt/Tonkam.
Certaines histoires sont vraiment difficiles à définir, d’autant plus si à y bien regarder il n’y en pas, je m’explique. ce manga est un recueil de mini récits en 2 pages, pour la première partie, puis quelques pages pour la deuxième. Je vous l’ai annoncé tout de go, nous sommes sous le signe de l’étrange. A la folie, c’est d’abord un travail graphique remarquable pour la netteté de son trait, un dessin en pleine page qui vous fait découvrir une scène de vie de couple qui dégénère sur la page suivante, le découpage vous imposant de tourner la page pour découvrir la deuxième partie, et comme les personnages, vous la prendre… en pleine gueule, désolé, il n’y pas d’autre expression qui convienne.
Ce n’est pas une apologie de la violence conjugale, mais un pur acte de violence gratuite et fracassante. Fracassante est le terme adéquat pour les histoires qui suivent par la suite, où là encore on retrouve souvent des couples, mais il s’agit de Kabe-Don. Kabe: mur; Don: boom. point de mots à mettre pour cette explication, je vous laisse ouvrir le livre pour découvrir et « comprendre », car en fait il n’y a pas de logique à tout ça, juste de la gratuité du geste et de la prouesse technique.
To your eternity, Yoshitoki Oima, Pika édition.
Traverser l’éternité est un rêve qui traverse l’histoire de l’Humanité, les alchimistes, les créatures telles les vampires et autres immortels, les exemples ne manquent pas dans l’imaginaire de l’Homme.
Là, c’est une sphère qui a fait son apparition un jour sur la Terre. Pourquoi l’a t’on déposé là ? L’être qui nous l’a envoyé voulait juste observer son évolution. Cette étrange forme de vie est évolutive, pas spécialement pour survivre face aux éléments, son adaptation peut se faire en fonction de ses émotions (si elle en a, ou peut-être découvre t’elle justement ce que c’est). Sphère, pierre, mousse… elle va prendre une forme de vie plus commune sous la forme d’un loup, copiant le modèle qui vient mourir devant elle, mais elle le copie tel quel, donc avec la blessure mortelle que la bête avait; d’elle même, sans comprendre ce qu’elle fait, elle va corriger cette anomalie, et pour la première fois, se déplacer, jusqu’à ce qu’elle croise un enfant qu’elle va accompagner; La suite est un voyage initiatique à découvrir.
L’enfant et le maudit, Siuil, a run, Nagabe, Komikku éditions.
Ce monde est coupé en deux, « l’intérieur« , le monde où les hommes ont trouvé refuge, et « l’extérieur« , vestiges de l’humanité où résident les « Maudits« . Ces créatures, être difformes à l’allure monstrueuse et bestiale, étaient autrefois des humains qui se sont vus métamorphosés, qu’importe l’explication, ce n’est pas un mode évolué comme le notre, plutôt médiéval où le fantastique garde son mysticisme et sa part d’inconnu. Une exception, une jeune fille vie au-delà des murs de la cité des hommes, dans les ruines du village d’où elle est originaire, et en compagnie du « maudit« ; elle attend le retour de sa mère. Le contact physique est interdit, sous risque de se voir maudit à son tour et de se transformer à son tour en créature, difficile alors pour le « professeur » de prendre soin de l’enfant encore fragile, si elle se foule la cheville, elle est obligée de rentrer par ses propres moyens car il ne peut la porter. Un récit onirique, teinté de poésie, une qualité de dessin exigeante et agréable, un incontournable des mangas publiés récemment ?
Tokyo Alien Bros, Keigo Shinzo, Le Lézard Noir.
Les amateurs de mangas originaux et marginaux tels que moi aiment considérablement se tourner vers les éditions Imho et Le lézard Noir. Actuellement chez Imho, on s’intéresse à Tokyo Kaido, la nouvelle série de l’auteur de Chiisakobé, Minetarô Mochizuki, histoire assez étrange elle aussi. Mais pour l’heure, c’est Tokyo Alien Bros qui m’amuse. Après Les vacances de jésus & Bouddha, voici deux autres créatures qui décident de passer du bon temps au Japon.
La Terre est elle un lieu propice pour qu’une race extraterrestre vienne s’y installer ? C’est la mission de Fuyunosuke (c’est le nom dont cet être étrange s’est affublé) est chargé d’appliquer. Seulement, son caractère exubérant et enjoué, fait en sorte que cela fait plus d’un an qu’il n’a pas établi de rapport à ses supérieurs. Ils ont donc envoyé son frère aîné, que Fuyunosuke va baptiser Natsutarô à son arrivée, pour superviser et recadrer son cadet.
Afin de prouver qu’il n’a pas fait que glander sur terre, Fuyunosuke va servir de guide à Natsutarô, lui faire goûter ce qui lui semble être la boisson la plus succulente qui se trouve en réserve quasi inépuisable sur terre et encore inexploitée par les hommes (je vous en laisse la surprise). N’ayant pas encore compris toutes les subtilités et us et coutumes de notre planètes, ils vont avoir leur propre interprétation de nos modes de vie, créant beaucoup de situations cocasses. Et leur nature et structure extraterrestre ne leur permet pas de faire face à certains imprévus: le contact avec le sel les fait fondre, ou bien un gentil moineau qui vient picorer dans la main peut avoir une conséquence désastreuse. le terme étrange est plus qu’adapté à ce genre d’histoire.
Mr Punch, Neil Gaiman & Dave Mc Kean, Urban Graphic.
Une nouvelle réédition d’une oeuvre de Neil Gaiman et de son acolyte Dave Mc Kean, je ne pouvait passer à côté, vous pensez bien, et dans la thématique de l’étrange, Mr Punch est plus que la bienvenue.
Vous connaissez certainement Polichinelle (et autrement que pour ses secrets), son origine est italienne. En France, nous avons Guignol, eh bien sachez le, les anglais ont Mr Punch. Tous trois sont des spectacles de marionnettes populaires dans leur pays d’origine, seulement, si les deux premiers ont un côté contestataire face à la société et notamment à la hiérarchie, Mr Punch à une toute autre symbolique.
La méthode narrative de Dave Mc kean alliant différentes techniques de dessins, de collage et de manipulation de matières, associée à l’univers très sombre de Mr Punch, donne un résultat final des plus dérangeant, renforçant l’intention première.
Mr Punch, c’est de la brutalité et de la violence en toute impunité, pas très moralisateur me direz vous. Mais rappeler vous que contrairement à l’idée que tout le mode se fait des contes pour enfant de nos jours, à l’origine, tous sont bien moins mièvres que l’image que Disney a imposé (il n’est pas le seul dans ce cas, mais en est le plus bel exemple). La cruauté et tout autre travers de l’humanité ne devant pas être évités dans les morales des histoires telles que leurs auteurs d’origine l’ont souhaité. Un livre étrange et beau, angoissant et captivant, vous croyiez en avoir fini avec les cauchemars, pensez donc, Neil Gaiman est capable de raviver vos pires souvenirs… j’adore.