Une nouvelle fois le Neuvième Art dévoile sa capacité à aborder des sujets historiques et à susciter l’intérêt sur des évènements parfois méconnus.
Riad Sattouf, pour vous c’est quoi ?
Pour le grand public qui ne lit pas forcément de bandes dessinées, c’est avant tout le carton du Box-Office, Les beaux gosses, ou encore pour cette année, Jacky au royaume des filles. Celles et ceux qui ne vont pas trop au cinéma mais qui ne viennent pas encore en librairie ont au moins la possibilité de le connaître par le biais de Charly Hebdo et Sa vie secrète des jeunes (qui existe également en version reliée à L’Association). Et pour ses lecteurs, c’est aussi bien l’auteur publié à L’association avec Le manuel du puceau, Ma circoncision… que celui de Fluide Glacial et son Pascal Brutal ou encore celui qui se cache dans la collection Poisson Pilote de Dargaud avec Les pauvres aventures de Jérémie et quelques autres.
Cette fois, Riad Sattouf est publié chez Allary Editions pour un récit autobiographique et le premier volume de ce récit relate son passage en Lybie et en Syrie au cours des années 1978 & 1984, bon il y a également un passage par la Bretagne que l’on peut tout à fait qualifier d’exotique également. Par exemple, si vous avez aimé les histoires de Guy Delisle (Chronique de Jérusalem, Birmanes, Pyongyang, Shenzen) vous pourrez retrouver dans cet ouvrage une approche teintée d’humour afin de découvrir ces pays, ce que je trouve d’intéressant, c’est que le père de Riad Sattouf est d’origine Syrienne, ce qui implique une réflexion plus poussée et plus intime que d’avoir un regard extérieur comme Guy Delisle est capable de nous donner.
Deux albums similaires et qui vont aborder la même période historique, La Nueve de Paco Roca aux éditions Delcourt dans sa collection Mirages et Le tirailleur de Piero Macola & Alain Bujak chez Futuropolis.
Pourquoi similaires ? Dans les deux cas les auteurs vont mettre en images le témoignage d’un ancien combattant, mais de ceux qui ont été oubliés de l’Histoire, ceux qui ont été privés de reconnaissance et dont la trace n’a pas toujours été facile à trouver.
La Nueve, Les républicains espagnols qui ont libéré Paris, alors que Franco vient de remporter la victoire sur ses opposants, les survivants tentent de fuir le pays pour échapper au massacre, les fascistes ne souhaitant pas faire de prisonniers. Miguel comme tant d’autres s’est pressé vers les ports en attendant les navires que les français ont promis d’envoyer, nous sommes au port d’Alicante, le 28 Mars 1939, le premier navire a fait demi-tour devant la foule amassée sur le quai, sentant très certainement qu’il ne pourrait contenir autant de gens souhaitant survivre et fuir leur pays. Le deuxième navire sera le second en fait, aucun autre bateau ne viendra au secours de celles et ceux qui n’auront pu monter sur le Stanbrook, ceux qui se sont embarqués partiront pour l’Afrique du nord.
Ainsi débute le parcours de ceux qui intègreront une des compagnies du général Leclerc, vous découvrirez que là encore les français n’ont pas toujours été tendres avec les combattants républicains, mais il n’empêche que ceux-ci verront une occasion de lutter contre le fascisme et en espérant qu’après avoir libéré la France, l’Espagne suivra… Paco Roca nous avait déjà séduit avec L’hiver du dessinateur aux éditions Rackham, encore un témoignage, peut-être moins violent mais tout aussi poignant, où comment un groupe d’amis dessinateurs tentèrent l’aventure afin de s’émanciper de la main mise éditoriale au cours des années 50-60.
Le Tirailleur de Piero Macola & Alain Bujak, c’est à l’occasion d’un reportage, qu’Alain Bujak a fait la rencontre d’Abdesslem, un homme de plus de 80 ans vivant seul dans une résidence Adoma, ex-Sonacotra. Cet homme d’origine Marocaine est tenu de vivre au minimum 9 mois sur le territoire français afin de toucher sa pension d’ancien combattant.
Le reporter va recueillir les souvenirs d’un homme qui fut enrôler de « force » dans les tirailleurs et qui découvrit le reste du monde bien loin de son village isolé de tout, il commencera par la France et la ligne de front avec l’Allemagne, connaîtra les Frontstalag, camps réservés aux prisonniers de couleurs, servira jusqu’en Indochine…
Un témoignage touchant et bigrement instructif sur la reconnaissance (ou l’absence de) pour ceux qui se seront trouver embarquer dans les périples de la guerre à défendre les intérêts d’un pays qui n’était pas le leur.
Pascale Bourgaux, qui est-ce ? Nous devons certainement connaître une part ou une autre de son travail sans le savoir, car elle est grand reporter et bien souvent nous ne voyons ou ne lisons que leurs sujets. Elle a passé plusieurs séjours en Afghanistan et a suivi en particulier l’histoire d’un des seigneurs de guerre: Mamour Hasan. Les larmes du seigneur Afghan est une bande dessinée mais aussi un documentaire qui devrait passer prochainement à la télévision, la version bande dessinée est adaptée par Thomas Campi et Vincent Zabus, et comme un album « référence » sur le même pays, Le photographe, il est publié par Dupuis dans sa collection Aire Libre.
Nous découvrons Pascale depuis son départ à l’aéroport et les au revoir à sa famille à l’arrivée en Afghanistan, les prises de contact, les conditions de déplacement et la défiance, au vu de la situation du pays actuellement, d’éventuels kidnappings ou attentats. Cette fois elle va découvrir comment Mamour Hasan qui lutte pour la défense de son pays depuis 1979 contre l’invasion Russe, contre les talibans… doit maintenant faire face à un revirement d’opinion des membres plus jeunes de son village et sa région jusqu’au sein de sa famille, suite aux déceptions du nouveau gouvernement qui cherche à se mettre en place ces dernières années. Voici décortiqué le travail d’une journaliste, le montage de son reportage, les réflexions et les enseignements de plusieurs années d’investigations. Dans la lignée d’un Joe Sacco ou d’un Squazoni.
Et, en lien direct et pour finir cette chronique: La machine à influencer, une histoire des médias de Brooke Gladstone & Josh Neufeld traduit de l’américain par les éditions çà et là.
Contrairement aux apparences ou aux idées stéréotypées, cela ne date pas d’hier la défiance du grand public quant à la confiance que l’on peut accorder à nos sources d’informations. Voici une étude très complète depuis leur origine des médias jusqu’à aujourd’hui ou tout un chacun peut relayer de l’information via notamment Internet, mais n’est pas journaliste qui veut. Ce qui me permet de vous conseiller également cet ouvrage pas très récent mais indispensable si vous comptez un jour intégrer l’école de journalisme française (qui se veut la plus grande au niveau de l’Europe): Les petits soldats du journalisme de François Ruffin aux éditions les Arènes.
Ces deux ouvrages vous présenteront d’un regard éclairé comment se créé l’information, comment évolue la législation et parfois régresse, non franchement si vous êtes toujours plus curieux, je vous les conseille vivement.
Il y a plein d’autres titres actuellement en matière de témoignages ou historiques, mais nous nous sommes promis d’éviter le plus possible de vous proposer des chroniques qui prennent des proportions démesurées, donc peut-être une prochaine je vous parlerais de de Jack Jackson et son Autre histoire de l’Amérique, La faute, une vie en Corée du nord de Michaël Sztanke & Alexis Chabert, Vivre à en mourir de Puchol & Galandon l’histoire de Marcel Rayman résistant juif d’origine Polonaise ou encore Johnson m’a tuer, journal de bord d’une usine en lutte de Louis Theillier…