Je crois qu'il y a comme un "Grouick" dans le moteur

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Je comptais sincèrement, mais très sincèrement croyez moi, ne faire un article que sur la déconne, des histoires drôles, de l’humour fin ou graveleux il y en avait pour tous les goûts… Et voilà que je tombe sur Oink dans l’un des nombreux cartons de nouveautés. Comment vous dire, les réceptions en librairie (et c’est chaque semaine pareille), c’est un peu comme pénétrer une jungle équatoriale (non je n’exagère pas), l’air devient étouffant, votre espace devient confiné, et vous pouvez aussi bien croiser une curiosité monstrueuse qui vous glacera d’effroi que découvrir la pépite absolue.

oink4 A défaut d’un « Coupe-coupe » sous la main, je m’arme de mon fidèle et meilleur ami du libraire, j’ai nommé le « Cutter », et part à l’assaut des cartons fraîchement arrivés avec la rosée. Les sangles me sautent au visage lorsque la lame rompt les liens, ils me cinglent les avants bras, mais vaille que vaille, je continue ma progression. Je déblaie les hordes de bulles d’air plastifiées qui entravent telles des lianes les livres au fond du carton… et voici qu’apparaît l’Eldorado, brillant de mille feux, il émerge de la pénombre qui l’entoure, le voilà: Oink, de John Mueller aux éditions Délirium.

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L’auteur a jugé bon (et il a bien fait) de rajouter une introduction à son livre afin de présenter son intention première lors de l’élaboration de son projet. En effet il fut édité une première fois à 5000 exemplaires aux Etats-Unis, puis au fil des années qui s’écoulèrent, il fut contacté par des lecteurs répartis au 4 coins du globe, chacun souhaitant lui faire part de son retour de lecteur et de son interprétation. Une fois que vous aurez découvert son mot, vous pourrez profiter pleinement de ce récit atypique.

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Oink est curieux de nature, habituellement ce pourrait être considéré comme une bonne chose, mais dans le cas de Oink, c’est plutôt mal vu. Et pourquoi donc me direz vous ? … J’attends… Oink n’est autre que le résultat d’une aberration génétique, un mixe entre porc et humain, et les résultats de cette expérience sont cachés du grand public, ils travaillent dans de grands abattoirs, isolés du monde, reclus derrière des fenêtres murées afin que personne ne découvre leur existence, et leur morphologie leur permet d’effectuer des tâches rébarbatives. En l’occurrence l’horreur est à son comble lorsque le lecteur découvre que la tâche en question est de tuer… des porcs.

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Ce ne sont pas des êtres humains, et bien que dotés d’une légère intelligence et conscience, il n’est toléré qu’ils puissent poser des questions et développer leur part d’humanité (qu’ils n’ont pas bien entendu, du moins pas du point de vue de leurs créateurs). Son mentor, qui savait raisonner Oink, va pourtant briser le tabou, et se dresser pour dire NON, plus jamais il n’obéirait, plus jamais il ne croirait aux mensonges des hommes, son destin est scellé, et son sacrifice sera le déclencheur de l’émancipation de Oink. Cet album peut-être pris de manière très simple comme une histoire rythmée et violente, comme on peut l’apprécier pour sa profondeur et la réflexion que l’auteur souhaitait faire partager.

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Je relève la tête de mon carton, histoire de respirer un coup, et ô surprise, v’là t’y pas qu’une renarde me file entre les pattes. Mais que fait donc un tel animal dans la boutique ? Vous seriez surpris de savoir tout ce que l’on peut croiser dans la librairie, mais compte tenu de la fourberie de La renarde, rien d’étonnant de la trouver là. La renarde, éditions Casterman, de Marine Blandin (Fables nautiques) et Sébastien Christostome font partie des auteurs qui collaborent au projet « Professeur Cyclope« .

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La renarde, qu’est-ce que c’est ? ce sont des « Strips », des mini récits de 6 cases qui se succèdent, on y retrouve notre espiègle animal; un chien de garde aux oreilles tombantes sur ses yeux qui risque fortement de virer chèvre à force de se faire avoir; un cheval de labour dans son enclos qui aspire à la liberté, mais qui reconnait tout de même qu’avoir un toit et un repas assuré chaque jour cela à du bon; une lapine qui dépérit à vue d’oeil, à force de voir sa progéniture finir invariablement dans le ventre de son prédateur; un chasseur… comment dire, ce n’est pas qu’il est malhabile, c’est juste qu’il a à faire à plus intelligent que lui.

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renarde3Laissez vous donc distraire par cet âne psychotique qui ne cesse de braire, par ce loup qui n’en mène pas large, voire même frise la crise cardiaque à chaque approche de La renarde, aurez vous une once de sympathie pour les deux derniers représentants de leur espèce (du moins sur le dos de notre animal), Bud et Terrence, deux puces qui tentent de survivre au jour le jour. Et puis si vous y prenez goût et que vous souhaitez en découvrir plus sur l’univers du Professeur Cyclope, il ne vous reste plus qu’à aller sur internet.

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Bon, après avoir eu comme première idée de chasser l’animal hors les murs, je décide tout de même de la garder au fond du magasin car on s’attache vite à ces petites bestioles et je tâche de me remettre vite fait au travail. Mais apparemment je n’en ai pas fini avec le règne animal…

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Comment ils ont réussi à faire tenir tout ce bestiaire dans un carton, je ne saurai l’expliquer, qui plus est, mais c’est dingue, ils sont armés et ont des gueules patibulaires, on y réfléchirait à deux fois avant de leur chercher des crosses. AAARG! (c’est l’éditeur – mais aussi, peut-être mon dernier râle), Julien Loïs & El Diablo (quel nom machiavélique), viennent de sévir à nouveau avec Rua Viva t1, Noticias. Julien Loïs n’est autre que l’auteur de l’excellent Pas de Panic à Sonic City aux éditions Même pas mal, et El Diablo, c’est à son actif Retropolis, Pizza roadtrip, Monkey Bizness, Un homme de goût… que du bon quoi.

rua1Rua Viva ! un recueil d’histoires courtes des habitants d’une favela, la virée d’une bande de potes qui tentent de squatter une teuf dans un quartier chaud à laquelle ils ne sont pas forcément les bienvenus, attention fumette et alcool ne font toujours bon ménage. Un petit artisan, trop gentil, qui se retrouve coincé entre les caïds locaux et sa femme qui porte la culotte. L’histoire de Coelho, un souffre douleur du quartier qui va trouver LA bonne idée pour ne plus s’en prendre plein la gueule, mais pas sans conséquences pour Escorpiao, la terreur locale… Un album pour ceux qui aiment les histoires rythmées, pour les amateurs d’univers tangents, avec la patte de Julien Loïs, cela donne une sacré ambiance.

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Après toutes ces émotions, je me dis que je mérite bien une petite pause, je me dis qu’essayer de pondre un article pour notre site ne serait pas une mauvaise idée, mais je remarque deux étranges gamins qui traînent au fond du magasin. Je ne les ai pas vu rentrer et leur tête ne m’est pas inconnue, mais où donc ai-je bien pu les voir ?

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Et là, ça fait tilt, ce ne sont pas des clients, mais deux autres personnages qui viennent de sauter hors de leur carton, c’est le retour de deux chenapans, les terreurs qui jaillirent de l’esprit tordu de David Chauvel et de la plume déjantée de mon ami Hervé Boivin: Lili & Winkler.

Ces deux trublions sévirent aux éditions Delcourt et ravagèrent la rédaction avec deux misérables fascicules, mais leur passage à laisser des traces. A n’en pas douter, s’ils ne sont pas membre de la famille Adams, en tout cas ce sont des amis de la famille. Là encore, c’est AAARG ! qui récidive, et quel accroche, Pretty Little Nightmare, for adults & ugly kids only.

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Si vous n’aimez pas le noir & blanc, passez votre chemin ! Si vous appréciez les enfants sages comme une image, fuyez ! Si vous êtes de la protection des animaux, détournez le regard, car à n’en pas douter, le retour de Lili & Winkler n’augure rien de bon pour les âmes prudes et vous ne ressortirez pas indemnes des frasques délurées et violentes du mal incarné que représentent ces deux jumeaux maléfiques qui errent dans les rues. Cachez vos enfants et vos éléphants, craignez les chimpanzés, si vous trouvez que je raconte n’importe quoi, surtout n’ouvrez pas cet ouvrage. Mais si par contre vous souhaitez glisser subrepticement dans la folie, si vous ne croyez plus dans les valeurs de la société actuelle et que vous désirez vous tourner vers le côté obscur, tentez votre chance… et à vos risques et périls.

nobodycouv Je crois que ma fin est proche, comment est-il possible qu’un paisible travail de libraire me fasse basculer dans la folie, tel Cisif, à peine ai-je l’espérance de croire que je vais me sortir de cet amoncellement de cartons qui traînent un peu partout dans la librairie, qu’un transporteur, le sourire au lèvres, me déverse une nouvelle vague d’ouvrages, et là je bascule: bienvenue En Enfer avec Dante, mais pas sans un passage au préalable dans le cimetière où réside Nobody Owens.

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Derrière les grilles du cimetière, lieu mythique empli de mystère et de superstitions, vit un jeune garçon. Comment est-il arrivé là ? De sa plume, Neil Gaiman nous raconte sous les traits de P. Craig Russel, L’étrange vie de Nobody Owens aux éditions Delcourt.

L’un des maîtres du récit fantastique et onirique sévit une nouvelle fois. Nobody, jeune survivant du dernier massacre perpétré par Le Jack. Sa famille décimée, Nobody, alors qu’un bébé, s’est glissé hors de son lit clos, et est parti flâner en dehors de la maison. C’est fout ce qu’un enfant de cet âge est capable de se carapater loin du regard des adultes m^me si ce n’est qu’à quatre pattes, et c’est dans le cimetière voisin qu’il vient sans le savoir de trouver refuge.

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Nobody va être recueilli par les résidents fantomatiques du cimetière, un lieu qui, aux yeux des mortels, semble être l’endroit idéal pour son dernier repos, n’est autre qu’un lieu plein de non-vie fantômes, sorcières, goules et autres créatures bizarres. Après avoir étés suppliés par sa défunte mère et un grand conciliabule, un couple de fantômes va accueillir dans son giron Nobody Owens, et lui trouver également un tuteur en la personne de Silas le vampire, seule autre créature tolérée parmi les spectres en plus du jeune garçon. Plusieurs récits se succèdent, dévoilant les aventures fantastiques qui sont le quotidien du garçon. Neil Gaiman est un génie, encore une fois il sait nous enchanter avec un univers étendu, et P. Craig Russel qui travailla déjà avec lui pour Sandman ou bien Coraline, dévoile encore ses talents pour l’adaptation en bande dessinée du roman originel.

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Et donc, après m’être retrouvé dans un cimetière, me voilà basculé directement en enfer avec cette adaptation en bande dessinée de L’enfer de Dante Alighieri par Michael Meier aux éditions Casterman.

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Là on touche le fond si je puis dire, cette version complètement barrée de cette oeuvre culte permettra à beaucoup de la découvrir. C’est drôle et décalé tout en respectant l’oeuvre et l’esprit originel. Sachez qu’à l’époque L’enfer était le roman le plus lu (et le plus controversé) juste derrière la Bible. Ici, l’auteur jongle avec des références modernes histoire de dynamiser son récit et donné des références à un lectorat du XIXe siècle (et oui déjà). Dante se voit octroyé un guide de choix en la « personne » de Virgile, mais sous la forme d’un chacal, et il va parcourir les 9 cercles des enfers et tenter d’y survivre. Y survivre ? Mais si on est aux enfers, est-on encore vivant, seul le maître des lieux serait susceptible d’y répondre.

Et puis voilà que j’ouvre les yeux, me serais-je assoupi sur mon lieu de travail ? Non c’est pas possible, cela doit être le surménage, ou bien à force de lire des histoires aussi déjantées, merci aux auteurs, il semblerait que je perds pied avec la réalité. La suite aux prochaines aventures.