Amis psychopathes bonjour, cette rubrique s’adresse aujourd’hui spécialement à vous, pour les âmes sensibles, je vous suggère de revenir un autre jour. Cette fois, ce sont cinq, oui je dis bien cinq albums que je vais vous présenter, et ces petits bijoux s’adressent à un lectorat averti voire perverti, c’est pour les lecteurs exigeants et qui aiment les histoires dérangeantes. Nous allons plonger dans la noirceur la plus extrême de l’âme humaine, jouer avec la science quantique, défier Dieu & le Diable, sombrer dans la folie, le tout illustré par quelques maîtres du genre: Welcome to the jungle baby !!
Parmi les séries que nous avons toujours défendues, il y a 100 Bullets de Brian Azzarello & Eduardo Risso, une perle du label Vertigo. Pourtant certains d’entre vous qui s’y sont laissés tenter ont parfois eu du mal a passer le cap des premiers tomes, étant donné la forme originale du début du récit. En effet les premiers volumes présentent différents récits qui semblent un peu dissolus, mais il faut savoir faire preuve de patience dans la vie, les préliminaires ne sont pas fait pour les chiens Nom de Dieu, un bon vin, on le laisse décanter un peu avant de pouvoir le savourer, et bien 100 Bullets c’est pareil, et croyez moi c’et du bon.
Dans les personnages les plus emblématiques de la série, il y a Lono. Lono, comment vous décrire Lono ?! Lono c’est le cauchemar qui empêche de dormir le Diable depuis sa venue au monde, c’est le pire fils de p**e (je vous avais prévenu les âmes sensibles ou prudes, cet article n’est pas pour vous) que la terre ait pu receler. Il est increvable, vicelard, a un sens aigüe de l’âme humaine, ce qui fait de lui le pire chasseur d’homme que l’on ne souhaite surtout pas avoir à ses basques. Lono est de retour, on a retrouvé sa trace du côté de Durango au Mexique, il réside maintenant à l’orphelinat de la ville et au début de l’histoire, il est chargé d’accueillir sœur June à la gare routière. C’est ainsi que débute Brother Lono, un one-shot publié par Urban Comics.
C’est fou ce qu’il y a comme monde ce matin en ville, du côté du marché, cela peut se comprendre, mais du côté de la gare, ce ne sont pas les comités d’accueil qui manquent. Craneo et ses hommes sont là également, et leur informateur qui les accompagne va bien gentiment les aider à mettre la main sur l’agent de la DEA qui débarque en ville, je vous ai déjà dit qu’il y avait du monde en ville ce matin ?
Craneo, c’est l’homme de main de Cortez qui lui même travaille pour Las Torres Gemelas, les tours jumelles, deux frères qui dirige le cartel local qui règnent par la terreur et font frissonner la police à chaque cadavre déposé aux quatre coins de la ville. Vous l’aurez bien compris, la rédemption de Frère Lono risque de prendre un coup dans l’aile si les chemins de tout ce joli petit monde se télescope. Il n’y a pas que l’histoire de chacun qui se mélange, Brian Azzarello & Eduardo Risso prouvent une nouvelle fois qu’ils sont les maîtres incontestés du polar, on glisse très subtilement d’une action à l’autre, les dialogues se mêlent avec justesse et se répondent, il n’a pas que les flinguent qui touchent au but. Et Lono est plus charismatique que jamais, à n’en pas douter, cet album pourrait très bien être une bonne opportunité pour vous de découvrir l’univers de 100 Bullets, mais je vous en conjure de ne pas vous couper l’herbe sous le pied en commençant par un récit, indépendant certes, mais qui se déroule après le récit principal.
J.M. Straczynski, l’auteur entre autre de Rising Star & Midnight Nation… est deux fois à l’honneur dans cet article, il arrive en librairie avec Ten Grand en collaboration avec Ben Templesmith (30 jours de nuit, Wormwood, Choker, Fell) et C.P. Smith aux éditions Delcourt et avec Dr. Manhattan, le dernier tome de la série Before Watchmen avec Adam Hughes au dessin chez Urban Comics.
J.M. Straczynski est un orfèvre qui sait peaufiner ses scénarios comme peu d’auteurs savent le faire avec une richesse et une profondeur de sujets de réflexions. Ben Templesmith est un dessinateur au style particulier qui sait créer des ambiances noires et troublantes propre aux romans d’Horreur. Alors pour Ten Grand t1, D’amour et de mort, le duo va vous plonger dans du récit fantastique avec un personnage, Joe Fitzgerald hors du commun. A la base, Joe est un homme de main de la mafia, un tueur chargé d’éliminer la concurrence et plus précisément d’éradiquer les portes flingues adverses, tueur de tueurs ! Mais voilà, lorsque l’on est le meilleur dans sa partie, il est plutôt mal vu d’annoncer que l’on prend sa retraite, surtout pour une affaire aussi futile qu’une histoire d’amour. Il se voit donc chargé d’une ultime mission par son boss qui n’est autre qu’un piège, une affaire peu commune qui fout les jetons à son patron et la seule façon de sauver son âme, c’est de trouver un remplaçant et c’est Joe qui va trinquer.
Lui et sa petite amie vont donc faire les frais de ce curieux arrangement et meurent dès le début de l’histoire, encore agonisant, Joe voit un ange se pencher sur lui et se voit proposer un curieux arrangement: sa femme se voit accorder sa place au Paradis, mais pour lui, ses actes sont impardonnables, excepté une opportunité, il peut si il le souhaite revenir à la vie et offrir ses services aux âmes en peine. Il n’y gagne pas une absolution facilement garantie, il ne sait pas encore pour combien de temps cet engagement le lie et combien de services il va devoir rendre avant de se voir garantir la grâce divine. Il ne récupère pas non plus un pouvoir exceptionnel, il souffrira comme n’importe lequel des mortels et il mourra, pour revenir encore et encore… Quel intérêt ? A chaque fois qu’il perdra la vie, il se verra accordé une entrevue de 5 minutes avec son amour perdu. Si cela vous laisse perplexe, Joe, lui, a accepté le deal. Sa prochaine mission, il va même accepter de la faire gratis, car c’est son propre passé qui ressurgit, et sa cible, il est sûr et certain que la première fois qu’il a butté ce mec, il était bel et bien mort ce salaud.
Une histoire qui surfe allègrement sur Le mythe d’Orphée, L’enfer de Dante ou encore The Crow, ce qui justifie l’arrivée d’un troisième compère dans la réalisation de ce récit, C.P. Smith va prendre les commandes au graphisme lorsque Joe Fitzgerald va basculer au Purgatoire…
Après Ozymandias, voici le second récit qui vaut vraiment le détour dans la collection Before Watchmen, et c’est tant mieux car l’histoire originale tournait principalement autour de ces deux personnages.
Je vous le disait un peu plus haut J.M. Straczynski est un orfèvre, et cela tombe bien, son personnage Jon Osterman est à la base un horloger qui se tournera plus tard vers la physique quantique et la recherche nucléaire. C’est suite à un accident qu’il deviendra Dr. Manhattan, un nouveau genre « Humain », capable de plier la matière à sa volonté. L’espace et le temps n’ont plus de secret pour lui, et si Passé, Présent et futur ne font plus qu’un, il refuse d’interagir sur les évènements afin de laisser le libre arbitre à la race humaine.
S’inspirant de l’expérience du chat de Schrödinger, les auteurs proposent une base scénaristique intéressante, et si Jon remontait dans le temps avant sa « création », qu’elles en seraient les conséquences ?
L’observateur interagit-il avec ce qu’il observe ? La construction de l’histoire va mettre en parallèle les différentes hypothèses possibles, comment se seraient déroulés les évènements si l’accident n’avait pas eu lieu ? Quelles auraient été les conséquences si Jon avait fait des choix différents ? Cela peut paraître aberrant que les auteurs aient pris la décision d’aller à l’encontre du choix d’Alan Moore qui dictait une ligne de conduite au Dr. Manhattan à laquelle il n’a jamais déroger. Mais très honnêtement, l’intelligence du scénario et de l’écriture en fait un récit captivant, et oserais-je le dire… allez, j’ose: Parfait !
Comme illustré ci-contre , avant d’ouvrir son cadeau l’enfant a des possibilités multiples de surprises qui se cachent à l’intérieur, ce qui laisse libre cours à son imagination tant qu’il arrive à se retenir, d’où la référence au chat de Schrödinger.
Dans le cas de Jon, les auteurs vont s’amuser à mettre en opposition les réalités alternatives, parfois il n’y a qu’une légère subtilité entre les deux options retenues, autrement les conséquences prennent bien plus d’ampleur, et c’est alors que l’on se délecte à décortiquer les images et le texte de la page. La confrontation entre Jon et Ozymandias est savoureuse, les deux maîtres s’affrontent avec toute leur subtilité, le plus grand génie de tous les temps face à l’omnipotence & l’omniscience incarnées.
Et pour finir dans la ville où sévit la folie et la noirceur, j’ai nommé Gotham. Deux titres sortent du lot cette fois avec Batman le chevalier noir t3, Folie Furieuse de Gregg Hurwitz, Ethan Van Sciver & Szymon Kudranski, ainsi que Batwoman t3, L’élite de ce monde, de W. Haden Blackman, Trevor Mc. Carthy & J.H. Williams III, ces deux albums sont sortis chez Urban Comics.
Szymon Kudranski est l’actuel dessinateur de Spawn la saga infernale et illustre cet épisode de Batman, son style s’ajuste à merveille pour les histoires urbaines qui se déroulent principalement la nuit et qui font la part belle aux ruelles sombres où les ombres sont légions.
Cette fois, Batman enquête sur des disparitions qui prennent des tournures disproportionnées, à chaque nouveau cas, les victimes sont de plus en plus nombreuses, et c’est sur les traces du Chapelier Fou que l’entrainent ses investigations. Nous allons découvrir ses desseins qui prennent leurs origines au cœur de son enfance, sa passion immodérée pour l’univers d’Alice au pays des Merveilles le pousse à vouloir recréer l’univers dans lequel se déroule cette histoire et il s’est décidé à trouver le casting parfais pour l’occasion. Sa folie et son soucis de perfection va l’entrainer dans ses derniers retranchements et va bousculer la vie privée de Bruce Wayne.
En guise de cerise sur le gâteau, vous allez même avoir le droit à un mini récit qui clôturera l’album, où vous pourrez retrouver en Guest Star, Le Chapelier Fou, L’épouvantail ainsi que Le Pingouin, invités à une rencontre qui terrorisera les maîtres de l’épouvante de Gotham.
Pour Batwoman, le programme risque d’être tout aussi salé. Dans la suite directe des évènements des épisodes précédents, notre héroïne en quête sur la disparition d’enfants que Médusa a kidnappé, et pour affronter cette « vilaine » issue de la mythologie de la Grêce Antique, elle va demander de l’aide à Wonder Woman, qui n’est autre qu’une des nombreuses filles de Zeus.
Ce monstre fantasmagorique au regard foudroyant s’est entourée de plusieurs personnages issus d’autres récits folkloriques d’horreur populaires, la réalité bascule et c’est un combat titanesque qui va se tenir dans les rues de la ville.
Nous retrouvons au dessin J.H. Williams III, là encore nous avons la chance de contempler, et c’est bien le mot, le travail d’un génie (ou d’un fou ?!).
Si vous ne connaissez pas son travail, sachez qu’il a collaboré avec Alan Moore à la réalisation de Prométhéa, et que c’est lui également qui travaille actuellement sur la reprise de Sandman avec Neil Gaiman, et vous ne pouvez pas savoir comme j’ai vraiment hâte que cela soit traduit et publié en France.
Cet artiste a l’art de déstructurer l’image, de jouer avec les codes de narrations du comics et de se les approprier, prendre les onomatopées et faire des cases, dynamiser les scènes de combats en les animant, de sorte qu’elles brisent les lignes et les cadres.
Voilà les clefs que je vous propose pour ouvrir les portes d’esprits malades, des abymes où je vous invite à plonger, alors vous laisserez vous tenter ?