Le remède et l'antidote

Penchons-nous aujourd’hui sur deux albums qui méritent notre attention. Si le format de ces deux albums est quasi similaire, bien des aspects diffèrent – si ce n’est le plaisir que j’ai eu à lire les deux ! -.

« La Belle Mort » (éd.Ankama) est la toute première production d’un jeune auteur grenoblois : Mathieu Bablet. En quelques mots, l’intrigue est brossée : la fin du monde, bon, ben on y est… Des insectes venus de l’espace ont éradiqué la race humaine. Seuls quelques rescapés tentent de survivre tant bien que mal, jusqu’à une rencontre qui pourrait modifier le cours de cette courte humanité.

Rien de nouveau sous le soleil, me diriez-vous côté scénario. Certes, serais-je obligé de vous répondre, vous n’auriez point tort. Une poignée d’hommes miraculeusement indemnes, entourés d’un danger létal, qui plus est surnaturel, un monde dévasté, une civilisation anéantie… Des récits comme cela, on en a des pelletés chaque mois. Des bons et des mauvais.

Là, on est dans le bon. Tout d’abord, parce que ce jeune auteur ne lésine pas à la tâche, son dessin très anguleux, très « graphiques », très… personnel rentre en résonance avec ce monde crépusculaire, où l’espoir n’est plus de mise. Ses décors urbains, ses immeubles éventrés, sa ville est un personnage en soi, mourant mais bien présent (et quelqu’un qui dessine autant de fenêtre ne peut pas être foncièrement mauvais !!!).

Et cette atmosphère, ces personnages campés sur des archétypes sans être (trop) stéréotypés, là, il y a quelque chose qui s’insinue petit à petit à la lecture, qui fout le bourdon (insecte-bourdon…) de manière insidieuse et nous ramène sensiblement aux questions ontologiques. Bien que cela n’est rien à voir, j’ai retrouvé les mêmes ambiances que les premiers « Lain » et « Wind of Amnesia« .

Bon et puis, je l’avoue et je l’assume, je suis curieux sur ce qui touche au parkour… en tant qu’observateur, bien sûr. C’est pour cela, entre autre, que j’avais apprécié « En sautant dans le vide » (éd.Dargaud).

A l’issue de « La Belle Mort », on n’est pas nécessairement dans un état d’euphorie, bien au contraire. Heureusement, il y a la parade : « Le Viandier de Polpette » T.1 L’Ail des Ours de Julien Neel et Olivier Milhaud (éd.Gallimard).

Voilà un album réjouissant, qui met de la bonne humeur dans votre quotidien. Dans un monde fictionnel introduit très efficacement dans les premières pages, la petite auberge « Le Coq Vert » vit en marge des remous du reste de la société. Tenant à la fois du féodalisme du moyen-âge et d’éléments propres au début du XXème siècle, ce monde apporte une originalité appréciable et pas « tape à l’œil ». Le seigneur du lieu, le baron Fausto, est l’héritier du royaume mais pour des raisons de sécurité, il a été éloigné enfant de la guerre et des machinations d’alcôves. Il a pu grandir et s’épanouir dans le petit domaine de chasse qu’il a transformé en auberge. Entre les murs du Coq Vert, c’est toute une petite communauté qui s’affaire, avec simplicité et bonheur : le cuisinier Polpette, Alméria, les clients indéboulonnables, les furets… Et lorsque l’annonce de la venue du père de Fausto (qu’il n’a pas vu depuis ses 7 ans) arrive jusqu’au Coq Vert, c’est l’effervescence ! Comment réagir face à un père à la fois roi et inconnu ? Et surtout que préparer à manger ?!

Quel plaisir de retrouver le dessin si doux et efficace de Julien Neel, le papa de Lou, dans une série si innovante ! Olivier Milhaud nous mitonne également un très bon scénario où les relations esquissées ou explicites entre les personnages ( Fausto et son tuteur, Polpette et Alméria,…) sont un délice à apprécier avec lenteur, saupoudré d’une dose d’humour et d’émotion et bien sûr agrémenté de quelques recettes de cuisine qui surgissent de manière inattendue.

Donc de ce viandier (recueil de recette de cuisine), j’adhère et j’en reprendrai bien une part !!!