Coups de coeur

Le feu et la braise

Les lacrymogènes se sont dissipés dans les rues, mais leurs vapeurs délétères ont néanmoins imprégné quelques pages de BD. Contestations, revendications ou simples constats, les auteurs (des citoyens comme tout le monde après tout) se sont emparé de l’ambiance de notre société pour en dépeindre d’autres pas si étrangères.

Marcos Prior et David Rubin ont choisi de prendre les armes graphiques. Dans « Grand Hôtel Abîme » (éd.Rackham), le peuple est chaque jour un peu plus dépouillé de ses droits, de ses libertés, pire : de ses moyens de subsistance. Alors que la grande majorité ne prend pas conscience de ses entraves par un matraquage continu d’images hypnotiques, d’infos inutiles et de bavardages incessants, seule la violence aveugle semble être une échappatoire pour quelques citoyens lucides… A travers quelques chapitres bien anxiogènes, les auteurs poussent les travers actuels de notre société juste quelques crans au-dessus, là où une étincelle pourrait tout embraser.

 

Une autre société est engluée dans le mensonge des élites, celle de l’album « Sérum ». Pourtant, la vérité y est une vertu cardinale, prônée à tort et à travers par la Présidente en place… Kader a été condamné après les purges politiques qui ont « assaini » la société : une puissante drogue lui a été injectée, l’obligeant à dire constamment la vérité. Sa vie est alors devenue un enfer, comment vivre à proximité d’un homme qui n’a plus aucun filtre social, plus de distances, plus de secrets ? Du fond de la ville où il a échoué, il s’aperçoit néanmoins qu’une forme de résistance au régime dictatorial est en train de poindre dans un Paris aseptisé. Le début d’une révolution ou une illusion encore brisée ? Ce scénario de Cyril Pedrosa sur les dessins de Nicolas Gaignard a été entamé il y a de nombreuses années, bien avant de récentes campagnes électorales. Pourtant ce récit d’anticipation politique publié aux éditions Delcourt n’a jamais été aussi raccord avec l’actualité.   

Il y a plus de 20 ans, Jean Van Hamme et Griffo signaient un récit dystopique  qui avait marqué toute une génération. « SOS Bonheur » dépeignait une France intemporelle condamnée au bonheur à tout prix, à la prise de risque minimale et au nivellement des libertés. Par de petits chapitres grinçants, cyniques et dérangeants par leur vraisemblance, les auteurs nous alertaient déjà de la pente dangereuse qu’empruntait notre société. Vingt ans plus tard, tout a changé et rien n’a changé. Immigration encadrée, morale punitive, présomption de culpabilité, encouragement à la délation, Stephan Desberg s’empare de toutes ces atteintes à la liberté à la suite de J.V.Hamme. Dans une France encore une fois si proche de la nôtre, Griffo continue dans cette seconde saison (toujours aux éditions Dupuis) à nous invectiver à ouvrir les yeux, à prendre conscience. Sans doute pour qu’il n’y ait pas de saison 3…

 

 

Ce panorama marqué par la rancœur et la déception de voir l’incapacité de nos gouvernements à nous montrer la voie ne serait pas complet sans les deux regards espagnols de Miguelanxo Prado avec « Proies Faciles » (Rue de Sèvres) déjà chroniqué par le Grand Libraire ici et « Au Fil de l’eau » de Juan Canales (également Rue de Sèvres).

Vivement les lendemains qui chantent !

Y’ des zazous dans ma BD.

Il y a des albums, des bouquins ou que sais-je encore, qui tombent pile-poil au bon moment, ou encore qui ont l’avantage de pouvoir y plonger n’importe quand: L’automne à Pékin de Gaëtan & Paul Brizzi d’après le roman de Boris Vian aux éditions Futuropolis est de ceux-là. 

Je suis toujours partant pour un grain de folie, qu’il soit organisé d’avance ou encore mieux qu’il surgisse à l’improviste, alors lorsque j’ai ouvert L’automne à Pékin pour la première fois en librairie, le charme agit d’emblée, et du coup je le referme vite fait pour pouvoir l’apprécier avec un maximum de surprise lorsque je pourrai le lire dans les meilleures conditions possibles. Déjà de base, j’adore Boris Vian, que ce soit en tant qu’écrivain, chanteur ou musicien, donc je sais à quoi m’attendre: à tout ! Du possible à l’inimaginable, n’importe quoi peu surgir du cerveau de ce génie. Alors, pourquoi ne pas, une fois encore se laisser porter par sa folie douce ?

 

L’histoire commence avec cet homme qui prend le bus et s’endort à son bord pour enfin être réveillé par le contrôleur au terminus qui se situe aux portes du désert. Pas décontenancé pour si peu, au contraire c’est bien là qu’il se rendait, et d’un pas décidé, il s’enfonce au milieu de nulle part.

Enchaînons maintenant avec nos personnages principaux. Si Boris Vian est aux commandes, quoi de plus naturel que se retrouver dans le quartier de Saint-Germain des Prés dans une boîte de Jazz (mais sans Michel Jonas). Anne (c’est un homme) et Angel (c’est un homme aussi) sont entrain de s’encanaillés avec Rochelle, la petite amie du moment d’Anne. Après une nuit bien arrosée, ils prennent leur automobile pour rentrer chez eux, mais en route il renverse Cornélius, ingénieur pour la Wacco.

Ils le conduisent à l’hôpital, où le médecin de garde est plus préoccupé par par sa passion du modélisme aéronautique que par ses patients.

Les choses vont s’enchaîner pour nos deux ingénieurs désoeuvrés, et une opportunité s’offre à eux. comme Cornélius n’est plus en mesure de tenir ses engagements, ils le remplacent au pied levé et partent eux aussi pour le désert afin de réaliser pour la Wacco, la construction d’une voie de chemin de fer.

Ils en profitent au passage pour faire embaucher Rochelle comme secrétaire, ainsi que le médecin qui y voit là une opportunité de profiter de tout cet espace vide pour faire voler son aéronef, ainsi que son assistant, qui lui ne tenait pas tant que çà, à quitter le calme de son lieu de travail, surtout pour aller se perdre au milieu du désert. Sur place, Angel fera la rencontre d’une équipe d’archéologues, car un milieu désertique peut parfois révéler des trésors insoupçonnés, et l’aventure va enfin pouvoir commencer.

La commission artistique du centenaire de la première guerre mondiale, regroupant The lakes international Comic Art festival, On a marché sur la bulle et 14_18 Now, soutenue par le Heritage Lottery Fund & Arts Council England, et la liste est encore longue, commémore ce triste souvenir de l’histoire de l’humanité par un grand nombre de projets, parmi eux, une commande a été adressée à Dave Mckean: Black Dog: Les Rêves de Paul Nash. Nous avons la chance de voir cette très grande oeuvre traduite et publiée en France aux éditions Glénat.

Parfois le hasard fait vraiment bien les choses, si les organisateurs souhaitaient faire appel à Dave Mckean pour un projet si ambitieux, ils ne se doutaient pas de la fascination de l’auteur pour le travail de Paul Nash, artiste peintre et poète qui établit des passerelles entre l’homme et la nature.

C’est une oeuvre d’art à part entière, un récit magistral porté aux nues par le talent sans communes mesures de Dave Mckean (quoi j’en fais trop, cet auteur fait partie de mes illustrateurs préférés et je n’en ferai jamais assez pour dire tout le bien que je pense de son travail).

Au travers des rêves de Paul Nash, nous allons suivre son parcours qui l’a amené à se retrouver confronté à l’horreur de la guerre, et le travail graphique de l’auteur rend hommage au travail du peintre qui le fascine tout en faisant basculer le lecteur dans ces visions d’horreur auxquelles tant d’hommes ont été confrontés. Il ne faut jamais oublier que si maintes et maintes tentatives de témoignages, sous toutes les formes que ce soient ont essayé de nous faire prendre conscience de ce qu’à été ce conflit sans précédent, il ne faut pas s’étonner que la plupart des témoins sont restés prostrés dans leur mutisme, car nul mot ne pourra jamais exprimer leurs sentiments.

Et pourtant Dave McKean réussi à en transmettre une part, et vous ne ressortirez pas indemne de votre lecture de cet ouvrage qui fait déjà partie de ma bibliothèque idéale et indispensable. il y a tellement de choses à voir que vous ne pourrez pas attendre avant de rouvrir cet album et pour autant garder la « fraîcheur » de votre première lecture et de vos impressions.

Et mon dernier petit plaisir n’est autre qu’un nouvel album des éditions çà & là, une maison d’éditions qui me rend toujours curieux, cette petite perle n’est absolument pas à lire si vous ne souhaitez pas vous spoiler la majeur partie des films que vous n’auriez pas vus et qui vont être abordés dans ce livre: Filmographique de Edward Ross.

Si vous souhaitez découvrir l’histoire du cinéma ou les dessous des films; ce que l’image animée a modifier le regard de nous, spectateurs, et notre perception du monde; comment l’arrivée de la parole a fait perde de l’expression corporelle et de la force narrative; l’omniprésence devant et derrière la caméra du genre masculin entraînant une vision erronée de la société et des thèmes abordés concernant le gente féminine ou bien les transgenre…

C’est toujours chouette de pouvoir s’instruire en s’amusant, d’apprendre des anecdotes qui épateront vos amis en soirée , de découvrir que ce film que vous croyiez connaître sur le bout des ongles vous réserve encore plein de surprises, et qu’une fois que vous refermerez ce livre, vous ne percevrez plus le monde comme avant. Comme disait Tarantino: « Vive le cinéma ».

 

 

Seulement trois des Sept

Alors que « 7 Macchabées »,  le dernier tome de la Saison 3 de la collection 7 (éd.Delcourt) paraît, plusieurs phénomènes s’enchaînent.

Tout d’abord, la satisfaction de lire un album bien maîtrisé, scénaritiquement, graphiquement et narrativement, le triangle parfait de la BD.

Ensuite, le soulagement de voir que, comme les deux saisons précédentes, un album se démarque largement du reste de la collection par ses qualités, même si c’est à la fin.

Enfin, la joie de voir que mon opinion est partagé par Gérald qui a dégainé plus vite que moi 🙂 et Romain qui n’en pense pas moins.

J’éviterai donc les redites : lisez son article. Je me contente seulement de souligner que chaque saison a proposé un album qui a su saisir l’essence même du concept de Sept. La première saison s’est épanouie avec « 7 Missionnaires« , la deuxième avec « 7 Détectives » et la troisième (et dernière selon l’éditeur) avec « 7 Macchabées« .

En quoi consiste-t-il, ce concept ? A trouver un équilibre extrêmement subtil entre une histoire de groupe et une histoire d’individualités. Il est indispensable que l’intrigue concerne chacun, le groupe des 7, mais pas comme un bloc sans aspérité, mais comme une mini société. Les réactions aux événements et aux péripéties doivent se décliner selon les caractéristiques de chacun, tout en gardant une harmonie globale.

D’autre part, chaque personnage doit avoir une épaisseur, un passé, un caractère qui l’individualisent des autres, sans toutefois qu’apparaisse une juxtaposition de personnages autonomes. La pagination réduite ne permettrait pas d’en dire suffisamment et une frustration en résulterait. Chaque personnage doit trouver sa place aussi bien dans l’économie de l’intrigue que dans le champs des archétypes. Et doit éviter donc l’écueil du personnage « sacrifiable », du « traître évident » etc. 

Quant à l’intrigue, elle doit être sobre dans ses objectifs pour que que puissent apparaître tous le talent des auteurs. Trop alambiquée ou ambitieuse, et elle n’a pas le temps de se dévoiler. Trop simpliste, elle n’apparaît que comme un jeu d’écriture imposé.

 

« 7 Macchabées« , c’est avant tout l’association vertueuse d’Henri Meunier au scénario et Etienne Leroux au dessin. Le premier est un scénariste rare et donc précieux, qui sait manier l’art difficile du one-shot avec doigté. Il avait magnifié le western avec « Après la Nuit » en compagnie de Richard Guérineau au meilleur de son art (éd.Delcourt). Il avait bousculé la série concept « Le Casse » (toujours chez le même éditeur avec le même dessinateur) en transformant le postulat du thriller-braquage en rapt de la dépouille du Christ !

Ici, l’intrigue est limpide : l’armée anglaise a réussi à redonner vie à des défunts par des moyens scientifiques. De plus, elle veut symboliquement affirmer sa suprématie en damant le pion à l’empire allemand en étant la première à revendiquer l’Antarctique. La Couronne décide donc de faire d’une pierre deux coups, vérifier la viabilité de ces résurrections en envoyant ces morts-vivants planter l’Union Jack sur la banquise. Un but simple, une intrigue simple : cela permet de faire évoluer sereinement ses personnages et proposer une histoire aux enjeux solides.

Etienne Le Roux est un vrai caméléon, au bon sens du terme. Il se coule graphiquement dans chacun des projets qu’il réalise tout en gardant sa propre patte. Ses personnages sont humains, attachants, réalistes. Son sens du cadrage permet un rythme qui maintient le lecteur attentif que cela soit dans des pages d’action ou des scènes d’explication. Il joue avec les codes classiques pour gagner en efficacité.

Je vous ai dit que cela m’avait plu ? 

Ne nous méprenons pas, d’autres albums de cette collection ont été de grande qualité. Comme l’a dit mon collègue, nous ne citerons pas les mêmes selon nos propres goûts. Certains ont frôlé la perfection, d’autres se sont perdus dans des concepts pourtant séduisants. Il en résulte une collection où l’on a pu voir de grands noms et de nouveaux venus se casser la tête avec un postulat simple et produire des œuvres de qualité.

Lors de votre prochain passage à la librairie, nous vous montrerons ceux qui ont fait vibrer nos cœurs.

 

Pour tous les goûts.

Une envie de vous dégourdir les jambes dans les steppes glacées ? Ou préférez-vous une course de bolides en plein milieu du désert en compagnie d’une bande de tarés ? Si vous restez dans le doute, peut-être vous tournerez vous vers des personnages qui vont plonger dans le questionnement.

La collection « 7 » des éditions Delcourt: chaque album est une histoire complète, avec différents auteurs pour chaque histoire, ce qui vous permet de découvrir tout un tas d’auteurs et de variés les plaisirs, tant sur le plan graphique que narratif. Vous pouvez piocher selon vos goûts et n’en prendre que certains, ou bien vous faire toute la « collec » pour voir le beau chiffre sept apparaître sur la tranche de vos albums bien alignés sur votre étagère. 7 macchabées vient de clore la troisième saison, il y a donc 21 albums de parus, ira-t’on jusqu’à 7 séries de 7 albums ? L’histoire ne le dit pas. Etant donné la diversité des genres, on peut facilement être en désaccord sur quel album nous a séduit si vous en discuté avec un autre lecteur.

Le hasard veut que pour nous trois, il y a juste un album par saison qui a fait mouche sur vos 3 libraires en même temps, d’autres nous ont plu bien évidemment mais jamais à l’unanimité. Dans la saison 1, 7 Missionnaires, de Alain Ayroles & Luigi Critone où comment le clergé face aux invasions incessantes des vikings décident de se « débarrasser » de 7 brebis galeuses parmi ses moines pour une mission d’évangélisation des hordes barbares ou bien d’éradication dans la douleur des frères qui se sont détournés du droit chemin.

Saison 2, le retour, cette fois c’était 7 Détectives de Herik Hanna & Eric Canete qui nous prenait sous son charme, avec un hommage à la littérature policière classique, une enquête réunissant les plus grands détectives du monde chargés par Scotland Yard de résoudre une vague de crimes, une histoire quasi interactive pour le lecteur qui pouvait s’amuser à retrouver à quels enquêteurs les auteurs faisaient référence et démêler l’affaire en même temps que les protagonistes. Cette histoire à donné lieu à la série Détectives, sept beaux albums remettant dans leur contexte d’origine chaque personnage.

Saison 3, la revanche du fils du beau frère du cousin de la vieille dame croisée chez le boulanger il’y à six ans: 7 Macchabées, de Henri meunier & Etienne Le Roux.

les anglais ont toujours eu un sens de l’humour un peu douteux et une susceptibilité très prononcée, alors lorsque en 1909, ils se rendent comptent que leur suprématie maritime prend un coup dans l’aile par les allemands, ils profitent d’une innovation technologique mais balbutiante pour doubler leur concurrents dans la course à la conquête du pôle histoire de reprendre les devants dans un autre secteur: réanimer les morts. Pourquoi ? Eh ben, comme ils sont déjà morts, ils ont une meilleure résistance au froid, une force surdéveloppée… la Dreamteam de l’exploration.

Si la série 7 s’arrêtait là, entre 7 Psychopathes et 7 Macchabées, nous aurions deux des plus belles idées de scénarios pondues ces dernières années.

Streamliner t2, All-in day, de  ‘Fane, aux éditions Rue de Sèvres. Suite et fin de ce récit customisé aux petits oignons, par l’un des dessinateurs qui illustra avec brio la série Joe Bar team.

Un rade perdu au milieu du désert tenu par un ancien as du pilotage de course de vitesse et sa fille, des gangs férus d’adrénaline, des hordes féministes à moto, l’ennemi public n°1 poursuivi par le F.B.I. qui est prêt à tout pour le mettre hors d’état de nuire.

Voici les ingrédients qui composent cette recette pimentée à souhait, les personnages y mettent toutes leurs tripes, et ce n’est rien de le dire, pour que le lecteur partage leur expérience. c’est toujours un réel plaisir de retrouver le trait de ‘fane, l’un des concurrents nous rappelle carrément son personnage de Tunny Head, ce qui fait bien plaisir.

Deux hommes en guerre,T1 Le ministre et l’espion, de Jef, Desberg et Claude Moniquet, chez Le Lombard collection Troisième Vague.

Je l’ai déjà dit, la politique fiction du genre Largo Winch, I.R.S et consorts, ce n’est pas ma tasse de thé, mais il arrive que parfois je me laisse convaincre, ce fut déjà le cas avec Koralovski chez le même éditeur.

Jef, c’est le dessinateur de Balles perdues, Corps et âme, Jéronimo… parus récemment chez Rue de Sèvres, son style donne une ambiance très atypique à chacune de ses histoires et c’est grâce à lui que j’obtiens ma première accroche.

Ce qui me botte dans ce récit, c’est que l’on va retrouver les ingrédients qui font que notre réalité politique, la vie de nos hommes politiques plus précisément ainsi que leur parcours rivalisent avec l’ingéniosité de nos meilleurs scénaristes. Alors à la lecture, on ne peut s’empêcher de penser à toutes les affaires en cours ou bien celles de ces dernières quarante dernières années.

Un membre des services secrets français qui a été en activité sur tous les fronts chauds, au courant de certains dérapages de personnes du premier plan politique, se voit contacté par l’un d’entre-eux qui se présente aux primaires de son parti pour les prochaines élections présidentielles. L’affaire n’est pas que glissantes, elle est poisseuse, dégueulasse même, et y être mouillé risque d’apporter un tas d’emmerde et pas que pour lui, ses maigres connaissances pourraient en pâtir également.

La saga de Grimr, Jérémie Moreau, aux éditions Delcourt.

Un hommage aux sagas nordiques, tout comme nous avions déjà eu Snaergard de Vincent Wagner aux éditions du Long Bec un petit peu plus tôt dans l’année. Une histoire de destinée, le drame omniprésent. Un jeune orphelin, rejeté de tous qui se retrouve en compagnie d’un personnage patibulaire (mais presque) qui vit en marge de la société.

Leur indépendance est leur force autant qu’elle est leur faiblesse, notamment parce que la liberté des uns provoque la jalousie des autres. Grimr continuera son parcours bravant les coups du sort, et ce, quelqu’en soit les conséquences. L’Islande est une terre de contraste, un lieu ou le forces de la nature se déchaînent peut-être pus fortes que nul part ailleurs, et notre histoire se déroule au XVIII ème siècle, alors que l’île vit ses heures les plus sombres de son histoire.

On retrouve Jérémie Moreau aux commandes, scénario & dessin, on a aimé son travail précédemment sur Le singe de Hartlepool en collaboration avec Wilfried Lupano (décidément il est partout ce garçon) et Max Winson, l’histoire de ce jeune joueur de tennis prodigieux et imbattu qui voit sa carrière chapeautée d’une main de fer par son père.

Jérémie Moreau a un trait atypique, qui confère à ses histoires une accroche toute aussi forte que le récit lui-même. Sur Grimr, le dessin donne de l’ampleur à ses décors d’extérieur, une très belle découverte, dépaysante à n’en pas douter.

Et le petit dernier: Ces jours qui disparaissent, de Timothé le Boucher, chez Glénat.

Il se trouve que nous allons recevoir l’auteur en dédicace samedi 30 septembre.

Imaginez-vous un instant à voir le temps filer de telle manière, que du jour au lendemain, vous sautiez une journée. Un jour sur deux, vous vivez votre vie normale, sans jamais vous rappeler de ce que vous avez fait la veille, et dans l’angoisse de rater la journée suivante. c’est ce qui arrive à notre personnage, qui se pointant au travail, un jour qu’il pense être le lundi et débuté sa semaine, apprend que nous sommes déjà le mardi. Comment continuer vos activités, professionnelles, artistiques si comme Lubin maréchal vous faites parti d’une troupe de spectacle, louper les répétitions et ne pas entretenir son corps pour les performances qu’il doit réaliser.

et que se passe-t’il durant ces jours d’absence ? heureusement que la technologie est là pour se filmer et garder une trace des événements. Comment vous sentiriez-vous, si, un autre vous, décidait de suivre un autre parcours que le votre lorsque il vit les journées à votre place ?

Tout n’est qu’une histoire de Lettres

Rares sont les albums où le langage, les dialogues, la matière littéraire font l’objet d’un travail méticuleux. Non pas que les scénaristes ou autres auteurs délaissent cet aspect de la création, mais dans leur souci d’efficacité, de vraisemblance ou de concision, ils sont contraints à de nombreuses concessions.

 

Parfois, au détour d’un album, se nichent le dialogue bien ciselé, la verve truculente, le bon mot bien placé. Quand l’auteur est bien inspiré, on touche à des moments de pure poésie. Le décalage avec le discours habituel peut apporter son lot d’élévation et/ou d’humour. Alain Ayroles, entre autres, s’est ainsi frotté à l’alexandrin dans « De cape et de croc » (éd.Delcourt).

 

 

Ici aussi, l’alexandrin est bien au centre du nouveau récit de Pascal Rabaté et Alain Kokor. Dans son titre, tout d’abord (« Alexandrin ou l’art de faire des vers à pied« ), également dans le nom du personnage principal (le si bien nommé Alexandrin de Vanneville), mais avant tout dans les paroles de ce poète errant. Pas tout à fait vagabond, presque philosophe, assurément philanthrope, Alexandrin propose ses vers à qui sera suffisamment sensible pour les recevoir. Pour adoucir les vicissitudes de l’existence, il se fait un devoir de rimer et rythmer chacune de ses phrases. Tout y est, de la césure aux douze pieds ! Sa route va croiser celle de Kévin, jeune garçon en rupture de ban familial. Alexandrin va le prendre sous son aile, le faire rimailler et surtout lui proposer une autre existence où la poésie pourrait changer le cœur des hommes…

 

 Quel plaisir de retrouver Alain Kokor et son talent d’ « émerveilleur » ! Quel joie de le voir s’associer avec Pascal Rabaté, l’artisan des petites joies. Leurs univers étaient faits pour se rencontrer, s’enrichir l’un l’autre. La poésie de l’un, la bonhomie de l’autre et le génie des deux permettent à cet album édité chez Futuropolis de se hausser très vite dans mes recommandations de la rentrée !

 

 

 

 

 

Un autre auteur que j’ai plaisir à retrouver en cette rentrée est Kenji Tsuruta. Auteur rare tant au Japon qu’en France, il m’avait émerveillé avec « Spirit of Wonder » il y a presque 20 ans puis avec « Forget-me-not » tous deux aux éditions Casterman. Depuis, plus grand chose à se mettre réellement sous la dent. Enfin, vient de paraître aux éditions Latitudes (émanation de Ki-oon) le premier tome de « L’Île errante« .

 

Mikura Amelia est pilote dans une compagnie de fret, assurant les liaisons aériennes entre les minuscules îles de la Mer du Japon. Avec son hydravion, elle sillonne mer et ciel pour apporter colis et courrier à tous ces habitants. Élevée par son grand-père qui a créée cette entreprise de transport, elle se retrouve désemparée à la mort de celui-ci. Elle décide toutefois de prendre les rênes de la société et d’habiter dans sa maison. Elle y retrouve ainsi un colis qui n’a pas été livrée pour une certaine Amelia. Cette dernière réside sur l’île d’Electriciteit. Or cette île n’existe pas…

 

 

 

Kenji Tsuruta nous plonge dans un récit où s’entremêlent fantastique et mélancolie, tout en silence et légèreté. Son trait n’a rien perdu de sa précision et il n’est pas avare de détails. Nous espérons que la suite ne se fera pas attendre. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, Latitudes annoncent la sortie d’un récit complet du même auteur au premier semestre 2018 !

Bonne lecture.

Alexandrin ou l’art de faire des vers à pied / A.Kokor & P.Rabaté / éd.Futuropolis

L’Île errante / K.Tsuruta / éd.Latitudes