Etunwan, cela pourrait être un cri poussé vers le ciel, une ode à la liberté, que l’on souhaiterait voir crever l’abcès de l’indifférence ou encore lutter contre la disparition d’une nation… mais non ! Etunwan, nous le prononcerons avec révérence et discrétion, propre à sa signification: Etunwan-Celui-qui-regarde.
Thierry Murat revient sur le devant de la scène avec un nouvel album aux éditions Futuropolis: Etunwan Celui-qui-regarde; un récit magnifique, pour lequel le style bien particulier de Thierry Murat correspond tout à fait pour cette histoire d’un photographe, Joseph Wallace, qui parti accompagner une équipe de scientifiques vers les territoires encore inexplorés (par l’homme blanc, ce salaud) du grand Ouest Américain.
Si le personnage est fictif, il rend hommage à ce grand homme qui a photographié les indiens pendant un grand nombre d’années, Edward Sheriff Curtis, vous connaissez certainement malgré vous son travail car la plupart des photos d’Amérindiens que l’on peut voir à différentes occasions sont de lui. Je ne saurais que trop vous conseiller l’ouvrage Pieds nus sur la terre sacrée, regroupant plusieurs textes et déclarations de la nation Indienne, vous permettant de (re-)découvrir leur culture et leur philosophie, le tout copieusement illustré par un grand nombre de photos.
Joseph Wallace tient un journal intime au quotidien, histoire de retranscrire ses expériences, et permet à l’auteur Thierry Murat de jouer subtilement avec la composition de sa page en insérant le texte entre les images, qui parfois tiennent du témoignage photographique, sinon vous permet de découvrir la touche graphique que j’apprécie chaque fois avec cet auteur, qui donne des ambiances si particulières à chacun des ses albums.
La scène d’introduction rappelle l’ouverture de 8 minutes de Deadman de Jim Jarmusch, le face à face entre le « pied-tendre » qu’est notre narrateur, et un massacreur chevronné de bisons qui travaille pour les compagnies de chemins-de-fer qui s’étendent sur les territoires indiens et qui voient d’un mauvais oeil que ces grosses bestioles ralentissent leurs travaux.
Il fait la connaissance des membres de l’équipe d’exploration et se lie d’amitié rapidement avec leur guide, un homme blanc tout comme lui, mais qui est bien loin du stéréotype bourru et massacreur d’indiens. Non! Lui est allé à la rencontre de maintes tribus, parlent leurs dialectes, comprend leur rythme de vie et leurs coutumes, et c’est allègrement qu’il va les partager avec Joseph Wallace.
La colonne va bien évidemment croiser différentes tribus sur son chemin et être témoins des tensions qui relèvent du massacre des bisons, source de vie de la nation Indienne. C’est pourtant la fascination de Joseph pour les indiens et leur mode de vie qui va lui permettre de les rencontrer plus intimement, quitte à ce mettre à dos le reste de l’expédition, et lorsque le guide tentera d’expliquer à un jeune indien, que le blanc qui l’accompagne est capable de rendre la majestuosité de la forêt sur un « dessin », de là le premier contact sera établi et il pourra commencer sa série de portraits.
Au fur et à mesure de ses déambulations, il découvre que les indiens ont un système de transmission de l’information des plus efficaces et que sa réputation le précède. Si les indiens l’acceptent aussi facilement, c’est encore une fois dans le cadre de cette allégorie, de l’extermination des bisons (symbole de vie) qui à terme mènera à la disparition de toutes les tribus, tandis qu’ils reconnaissent en Joseph et surtout en son travail la concrétisation qu’ils ne disparaîtront pas complètement des mémoires car il restera toujours une trace d’eux grâce à ses photos.
Bien que fictif, Etunwan est un hommage fort à tous ceux qui sont allés à la rencontre de l’autre, afin de comprendre leur culture, leur vie, leur philosophie… et ce, bien au-delà de l’exemple des Amérindiens, et qui ont rapporté que ce soit par l’écrit, l’oral ou quelque soit la manière visuelle, leur témoignage.
Si j’ai choisi de vous parler de cet album: Etunwan; en dehors du fait qu’il m’a profondément séduit, c’est d’autant plus que cette année, nous avons eu le droit à une vague d’histoires concernant l’exploration de l’Ouest Américain à cette même époque: la colonisation des terres indiennes et des régions inhospitalières, ou le voyage de curieux qui souhaitaient voir de leurs yeux ces farouches guerriers qui faisaient trembler l’américain moyen, mais qui dans la réalité n’étaient déjà plus que l’ombre d’eux-même, abrutis par l’alcool et cantonnés dans des réserves, véritables mouroirs des êtres et de leur civilisation.
Truckee Lake de Christopher Hittinger chez les éditions Hoochie Coochie, l’histoire du convoi Donner, qui se mit en route depuis l’état du Missouri vers la Californie en 1846 et qui passa tout l’hiver 46/47 bloqués dans les montagnes rocheuses, ils partirent à 87 et seuls 48 survécurent. Alors qu’est-ce qui selon vous et arrivés aux 39 autres ? Je vous laisse deviner ou bien je vous donne un indice ? Habituellement on traite ceux qui pratiquent ceci de sauvages, d’êtres pire que des bêtes… Alors? Alors? Ben oui ! ils les bouffés bien sûr. Un récit à dégusté si je puis dire.
Pour les autres albums, nous avons reçu en dédicace le tout jeune scénariste et dessinateur Kevin Bazot pour Tocqueville vers un nouveau monde, un premier album publié par Casterman, d’après le récit de Tocqueville, Quinze jours dans le désert. Lorsque en 1831 Alexis de Tocqueville se rend en Amérique en tournée avec Joe Dassin, avec son ami Gustave de Beaumont, analyser et réaliser son oeuvre la plus connue De la démocratie en Amérique, ils profiteront des derniers jours de leur voyage pour se rendre à la rencontre du mythe de l’Ouest sauvage et de ses derniers représentants qui y vivent en harmonie.
Il a déjà eu le droit de paraître dans l’un de mes articles consacré aux éditions Vide Cocagne, Chateaubriand au nom de la prose, par Nena-Witko. Lui aussi se rendit sur place, mais ce fut surtout pour leur révéler que le vrai secret pour réussir sa blanquette, c’est de lier la sauce avec un peu de jus de citron…
Sur les ailes du monde, Audubon par Fabien Grolleau & Jérémie Royer aux éditions Dargaud à quant à lui été un peu plus mis en avant dans la presse, et d’un point de vue local également.
Cet album revient sur les voyages incessants de ce Français, mort avec la nationalité Américaine, et qui à le droit de rentrer dans la postérité avec son nom attribué à quelques milliers d’écoles et de rue aux Etats-Unis, ainsi qu’à l’association qui est la plus importante organisation de défense de l’environnement Américaine. Il est parti à la découverte de la majeur partie du territoire Nord-Américain afin de répertorier tous les oiseaux d’Amérique, et de les peindre.
Si l’on découvre un voyage extraordinaire, nous rencontrons également un homme qui eu toujours du mal à rester en place auprès de ses congénères et de sa famille, on y voit aussi que ces méthodes de travail étaient pour le moins peu orthodoxes et lui attireraient aujourd’hui les foudres de tous ceux qui l’encensent étant donné qu’il a massacré des milliers d’oiseau pour pouvoir les peindre en détail, mais autre époque, autres moyens, autres moeurs.
Concernant des histoires traitant des indiens vous avez les innombrables westerns où vous pouvez les croiser, notamment Blueberry que l’on s’attendait (surtout moi) à voir ses histoires se terminer avec La tribu fantôme, car cela aurait été une belle fin: combattre aux côtés des indiens et disparaître telle une légende au-delà de la frontière au bras de Chini.
Mais si je ne devais garder qu’un seul auteur pour découvrir la culture Amérindienne avec tout l’amour pour leur culture qu’il a su versé au travers de ses différentes série, c’est bien évidemment Dérib, l’auteur de Celui-qui-né-deux-fois, Buddy Longway ou encore Yakari. Nul autre que lui ne m’a bouleversé à ce point, par son approche et ses écrits sur la culture indienne.
Oka Hey !