Coups de coeur

Une rentrée colorée.

Ils sont beaux mes albums ! ils sont beaux ! Venez goûter les albums primeurs de cette nouvelle rentrée 2020 ! Vous allez vous en prendre plein les mirettes !

La production sera foisonnante et il va y en avoir pour tous les goûts comme d’habitude. Mais là, voici une sélection aux couleurs chatoyantes. 

Celestia, Manuele Fior, éditions Atrabile. Cet album vous emportera dans un voyage extraordinaire dans cette cité prise dans les eaux, avec des personnages dont les noms pourront vous sembler familier, Pierrot, Arlequin… toute une symbolique enivrante portée aux nues par l’art graphique de Manuele Fior. Une pérégrination où un couple essaye de sortir du carcan qui les enserre. Ils ne sont pas « ensemble », mais ils partagent le poids de leur talent. La présence de la femme réveille autour d’elle des visions lourdes de sens pour celui ou celle qui se retrouve lié à elle , mais malgré cela, Pierrot surmonte les images qui ravivent un souvenir douloureux pour conduire Dora hors du monde qu’ils connaissent, cette petite Venise où les habitants se sentent privilégiés, pour découvrirent le vaste monde. Eh oui, Dora l’exploratrice. Outre une ambiance graphique de toute beauté, la force du mot a sa part belle également, donc voici une oeuvre qui vous invite à vous laisser portés à l’onirisme et la douce rêverie.

Après le monde, Timothée Leman, éditions Sarbacane.

Ce n’est pas le premier album ou la première histoire à parler d’un phénomène mondial où après une apparition étrange, une partie de l’humanité à disparue, laissant une minorité d’êtres livrés à eux-même. Pour le coup, on pourrait rapidement dire que c’est un mix entre Seuls et Trees, mais très rapidement alors.

Des énormes colonnes font leur apparition au milieu des cités, entraînant la disparition d’une partie de la population de façon spontanée, sans en laisser une seule trace. Un jeune garçon, décide après un certain temps de sortir de chez lui et affronter le monde extérieur afin de se rendre au pied de la plus grande tour apparue récemment. En chemin il croisera certains individus semblant bloqués hors le temps dans leur dernière activité lors de l’apparition du phénomène. Un très bel album laissant libre court au lecteur sur l’interprétation.

Gentlemind, Diaz Canales, Valero, Lapone, éditions Dargaud.

Le scénariste de Blacksad revient pour une collaboration sur une histoire en deux parties, qui se déroule dans le direct après-guerre à New-York avec la destinée d’une jeune femme, après avoir été l’amante d’un multi milliardaire, elle se retrouve héritière d’une partie de son patrimoine, non sans déboires avec les membres légitimes de la famille, et notamment à la tête d’un magazine qui végète dans la surproduction de choix en kiosque. Grâce à l’aide d’un avocat qui l’aura aidée lors de la succession, elle va repartir à zéro dans la ligne éditoriale de ce magazine, avec en trame de fond, une volonté de changer la condition de la femme ainsi que l’exploitation de son image.

Carbone & Silicium, Mathieu Bablet éditions Ankama, Label 619.

Non ! il, n’est pas encore paru, mais il arrive très vite, le Bablet nouveau va pouvoir se déguster sans modération.

Toujours aussi généreux dans ses illustrations, nous soutenons cet auteur depuis ses débuts qui nous avait séduits avec La belle mort, enchantés avec Adrastée (mon préféré), titillés avec Changrila, et ben voilà qu’il nous ravit avec Carbone & Silicium. Une revisite de la recherche d’identité d’intelligence artificielle avec ces deux androïdes créés dans une concurrence effrénée entre deux grands trusts. Dotés d’une particularité d’évolution émotionnelle et d’apprentissage, ils souhaitent découvrir le monde mais ne sont pas libres de leurs mouvements. Avec la continuité de toujours vouloir partager son regard sur le monde et les idées qui le taraude, Mathieu Bablet risque fortement de continué son ascension du succès et de la reconnaissance du public chevronné ou néophyte.

Un peu d’amour, Une nouvelle aventure de Lapinot, Lewis Trondheim, éditions L’Association.

Et oui ! Cette année nous avons le droit à deux albums de Lapinot, en plus de la très agréable surprise du retour de Donjon, et avec Un peu d’amour, Lewis Trondheim se surpasse en humour. Une succession de gags avec toutefois une histoire en trame de fond, j’ai tellement ri que j’en ai réveillé ma voisine du dessus, et à deux heures du matin cela permet de tisser des liens cordiaux je peux vous l’assurer. Trondheim tu es mon dieu, après  Desprosges bien évidemment.

 

Un si long moment de silence, 2ème partie

On continue le rattrapage avec toujours autant de diversité: Mes ruptures avec Laura Dean de Mariko Tamaki et Rosemary Valero-O’Connell aux éditons Rue de Sèvres.

Mariko Tamaki a déjà été publiée par Rue de Sèvres avec Cet été là, et cela fait partie des choix éditoriaux de publier des romans graphiques, souvent anglo-saxons accessibles pour un jeune lectorat, mais la qualité est souvent telle, que le public adulte peut s’y retrouver également. Contrairement au premier titre paru, celui bénéficie de couleurs qui peut en faciliter la lecture pour ceux qui ont encore du mal avec le noir & blanc.

Une histoire sentimentale de lycéennes, qui aborde aussi l’homosexualité, mais la question de fond est universelle et aurait pu affecter le personnage principal même si son coeur s’était épris d’un garçon. Freddy Riley a 17 ans, et éprouve le besoin de se confier a une chroniqueuse, via internet, ce qui est très certainement plus facile pour elle de s’épancher vers une inconnue qu’elle ne voit pas. Son problème: elle est amoureuse et vie une relation avec Laura Dean, personnage très charismatique de son lycée mais qui va jouer avec les sentiments de Freddy, changeant régulièrement de relations et délaissant sa compagne pour mieux la reconquérir de part sa dépendance sentimentale. Un jeu qui n’est pas sans conséquences.

Le chanteur perdu de Didier Tronchet aux éditions Dupuis dans la collection Aire-Libre.

Didier Tronchet est là depuis un sacré bail maintenant, sur des projets solo ou en collaboration, variant les plaisirs et les sujets de la narration, nous avions d’ailleurs reçu Nicoby avec qui il avait réalisé Tête de gondole et précédemment Le meilleur ami de l’homme. Pour cette fois, Tronchet en solo propose une histoire qui m’a touché, déjà parce que le début commence à Morlaix, sans pour autant être chauvin cela m’amuse toujours quand on m’évoque le pays, mais surtout parce qu’il va parler du genre de chanteur que mes parents m’emmenaient écouter, parfois au fin fond de la Bretagne, artistes « dégagés » comme ils l’évoquaient parfois, anarchistes souvent, et dont chaque concert avaient des airs de rencontre secrète. Notre personnage principal est bibliothécaire à Paris, suite à un burn-out, il se retrouve dans l’incapacité de poursuivre son boulot, et décide de faire un point sur sa vie en faisant un grand vide dans son appartement, ce qui lui donne l’occasion de remettre la main sur une vieille cassette audio, et oui on est de l’ancienne génération ou on l’est pas, d’un chanteur qu’il découvrit lorsqu’il était étudiant. C’est avec le souvenir de la pochette de l’album, le chanteur devant le viaduc de Morlaix, et avec cette seule piste, qu’il décide de retrouver sa trace, un voyage rocambolesque va s’offrir à lui avec des rencontres des plus inattendues. Le petit plus, le chanteur existe bel et bien, et Didier Tronchet a agrémenté son album d’un dossier avec quelques photos à la fin de l’histoire.

Akiléos un jour, Akiléos toujours !

Nous n’avons jamais caché notre intérêt pour cette maison d’éditions, et ce depuis ses débuts, avec pêle-mêle: Queen & Country, Stand Still Stay Silent, Herakles, La valise, Le Roy des Ribauds… La nouveauté, c’est Ombrane de Bastien Lextrait & Julien Hanoteaux.

Nous avons déjà eu de nombreuses histoires qui se déroulent dans les vestiges de notre société, mais les lendemains qui chantent se laissent toujours désirer. Ce soir est un soir particulier, un rite initiatique va avoir lieu: un cheminement qui va remonter les strates de cette société. La vie est déjà dure, mais la remontée annonce un combat des plus âpres face au froid mordant. Pendant ce temps, une soirée s’annonce au coin du feu. Un conteur va nous remémorer l’histoire de Ombrane, cette créature née de la pénombre. Issue des ténèbres, elle arpente le monde, naïve de toute expérience, curieuse et fragile, elle croise en chemin les habitants, tous pauvres et harassés par leur condition de vie misérable. Tous ne voient en elle qu’un signe de bienfaisance et de chance qui s’offre à eux, répondant à leurs prières. Un titre accessible pour un jeune public, et qui offre différentes lectures.

On attend des années. On espère encore et encore. Et puis un jour on se résigne. On se fait à l’idée et on passe à autre chose… Huit ans plus tard: PAF ! Vous vous le prenez en pleine tronche, ou en pleine truffe plus précisément.

Si une suite tarde à paraître, certains titres que l’on a défendus et présentés de façon de plus en plus aléatoire, jusqu’au jour où vous vous faites une raison, et le renvoyer chez l’éditeur et faire la place pour un autre titre. C’est pourquoi, vous n’avez peut-être jamais eu l’occasion de voir en librairie, en tout cas par ces dernières années, Bêtes de somme, de Evan Dorkin & Jill Thompson. Le deuxième tome vient de paraître aux éditions Delcourt, qui est capable dans sa collection de titres Comics, quelques perles rares comme Birthright, Monstress, Tony Chu, Hellboy… Et pendant un temps, ils avaient au catalogue, les titres d’Alan Moore, mais aussi la série culte de Neil Gaiman, Sandman (roulement de tambour, sonnez trompettes…)

Pourquoi citer Sandman de Neil Gaiman ? Et bien dans l’univers mis en place par l’auteur, nous suivons le Maître des Rêves, mais également ses 6 frères et soeurs, dont une en particulier: Death. Personnage haut en couleur si je puis dire, puisque c’est La Mort et qu’elle s’habille exclusivement en noir. Death a bénéficier de ses propres aventures, et Jill Thompson avait pu se faire remarquer en y contribuant.

Avec Bêtes de somme Evan Dorkin et Jill Thompson nous racontent les aventures d’animaux de compagnie d’une banlieue des plus classiques et stéréotypées de l’Amérique moyenne et banlieusarde, avec des préoccupations de gamelles, de pantoufles et de facteur au fondement terriblement attrayant et confortables pour les crocs. Mais les intrus sont parfois du genre un peu plus coriaces, un peu plus surnaturels, et mortellement dangereux. 

Quoi de moins étonnant que de commencer ce deuxième opus avec en guest star: Hellboy. Oui mesdames et messieurs, le démon aux questions existentielles et à l’humour ravageur s’invite parmi chiots et chatons.

Et juste pour le plaisir, en mot de la fin. Je reste dans le cinéma de « genre » avec un sacré clin d’oeil, mais comme il y a deux albums, cela fait que l’on se retrouve avec les yeux fermés, mais quoi de plus naturel lorsque l’on se retrouve avec une oeuvre cinématographique magistrale, pour ne pas dire monstrueuse, étant donné qu’il s’agit de Freaks de Tod Browning de 1932.

Deux histoires pour deux genres différents. La première, Freak Parade de Fabrice Colin et Joëlle Jolivet chez Denoël Graphic. Les dessous du tournage de ce film au casting des plus atypiques, qui suscite autant d’amusement que de crainte de la part des gens « ordinaires », face à celles et ceux qui sont exposés dans des cirques itinérant depuis près de cent ans sur les routes des Etats-Unis. On fait donc appel à un 4 ième assistant réalisateur, qui ne devra s’occuper exclusivement que des Freaks, de leur bien-être, de leurs addictions, et de leur bonne disposition lorsque vient pour eux le moment de passer devant la caméra.

L’autre titre évoquant ce film, c’est la biographie de l’un de ses acteurs, Schlitzie surnommé « Tête d’épingle« . Son histoire a été mise en image Par Bill Griffith et publié chez nous par les éditions Presque Lune. Et dans ce genre d’oeuvre, vous y trouver autant d’éléments sur la différence, que sur la société américaine, mais sur les rapports sociaux plus globalement. Le milieu du spectacle, d’Hollywood, des cirques de foire. Mais l’auteur se met également en scène afin d’expliquer comment a émergé cette histoire, la fascination et les questions avec son processus narratif.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui.

Un si long moment de silence. 1ère partie.

Bonjour à vous chers lecteurs, cela devient si compliqué de trouver du temps pour vous pondre une chronique que voici une petite séance de rattrapage pour les titres parus au premiers semestre. A la librairie on a pu les mettre déjà en avant, voire dans les mains, certains sont déjà devenus tellement emblématique que l’on pourrait estimer qu’il n’est peut-être pas nécessaire de les remettre à l’honneur, mais qu’importe, il faut penser à celles et ceux qui seraient peut-être passés à côté.

Dans mes plus belles découvertes de cette année: Un travail comme un autre, de Alex W. Ihker aux éditions Sarbacane. Je dois reconnaître que la maison d’éditions ne cesse de me surprendre avec quelques perles ces derniers temps, avec entre autre l’année dernière le somptueux Le Dieu vagabond, et non content de nous présenter de chouettes ouvrages par leur contenu, ils font aussi de beaux objets.

Cette histoire se déroule au moment de la grande dépression aux Etats-Unis au début du XX ième siècle. Lui c’est Roscoe, électricien de formation, il rencontre Mary dans un petite ville du fin fond de l’Amérique, alors qu’il sillonne le pays afin d’installer l’électricité pour une grande compagnie et améliorer l’ordinaire des citoyens. Elle, elle a hérité de la ferme familiale, et comme bon nombre de fermiers dans cette situation économique, risque de se faire saisir ses biens. Il n’est pas fait pour la vie de ferme, a tendance d’abuser du petit coup de gnôle, mais va décider de facilité la condition de sa femme en faisant une dérivation pirate et électrifier la ferme, ce qui permet de sauver l’exploitation familiale en l’industrialisant un peu. Seulement son installation précaire va causer la mort d’un ouvrier de la compagnie d’électricité et Roscoe va se retrouver en prison pour meurtre, ainsi commence cette histoire qui va raconter sa détention. Le choix graphique copie volontairement les dessins de l’époque, ce qui vous immerge d’autant plus dans l’histoire.

Toajêne !

Le retour toujours aussi déjanté de Panaccione que l’on soutient depuis ses tout-débuts, avec Bozzetto au scénario et toujours chez Delcourt

Une revisite très tarabiscotée de Tarzan, complètement allumée, où l’on découvre une créature insignifiante, née d’un bouillon de culture, et qui un jour, on ne sait comment voit, reflétée sur le bord de son bocal, le premier Tarzan avec Johnny Weissmuller, et cette phrase culte (genre Phrase Culte) « Moi Tarzan, toi Jane« . Ce petit être qui jusque là, ne jurait que par les tables de multiplications, n’aura à présent qu’une obsession: retrouver Toajêne. Mais une autre destinée l’attend également, les humains sont sujets à une maladie qui fait disparaître une partie de votre corps, un oeil par-ci, un nez par-là… Et il s’avère que c’est notre créature des bains de cultures qui sera en mesure de sauver l’humanité. Mais ce coeur transi cherche l’amour désespérément en sa Toajêne, et dans ces cas là, la dépression n’est jamais loin. Du burlesque et des éclats de rire à n’en pas douter pendant votre lecture.

Gost 111 de Mark eacersall, Henri Scala et Narion Mousse, aux éditions Glénat.

Pour moi qui ne suis pas féru de polars, voilà une histoire qui m’a radicalement accrochée. L’histoire de Goran, père célibataire, séparé car sa femme a de gros problèmes médicaux et ne peut se voir confier la garde de sa fille, même en alternance. Goran n’a pas de boulot, se retrouve dans le cas où le seul hébergement qu’il peut obtenir, c’est dans une cité HLM des moins recommandable, et où la plupart des connaissances que vous pouvez avoir peuvent vous basculer dans les plans foireux. Mais voilà, on a pas toujours le choix, et pour le bien être de sa fille, il va accepter le job qui va l’amener à se faire coincer par les flics. C’est l’engrenage, il n’a pas le choix, si il ne veut pas finir en taule, il va devoir faire l’indic pour la police, avec tous les risques encourus si cela se sait. 

Un récit de vie des plus réalistes, co-scénarisé par un commissaire des services d’investigation, racontant non seulement la vie de Goran, la vie de banlieue, mais également comment tout se déroule au sein de la police, le choix de couvrir ses sources comme de les pressurisées afin qu’elles soient dans une situation inextricables. Pour l’anecdote, il s’avère qu’une des clientes de la Mystérieuse librairie nantaise est la soeur de l’un des auteurs et était enchantée que le libraire chevelu et moi-même l’ayons mis en coup de coeur dès sa sortie.

Peau d’homme de Hubert et Zanzim, aux éditons Glénat également, une publication posthume du scénariste des Ogres Dieux, de Mr Désire et de tant d’autres titres que nous avons aimés et chroniqués. 

Pour cette dernière histoire, il nous prouvait une dernière fois son amour de la littérature et son talent pour lui rendre hommage sous la forme de la bande-Dessinée. Bien évidemment, sa disparition tragique a accentué l’intérêt des lecteurs, mais son talent de scénariste ne faisait qu’augmenter toujours un peu plus ceux qui voulait découvrir sa dernière création. La qualité de cette histoire est telle, que l’album ne cesse d’être en rupture chez l’éditeur.

L’histoire se déroule au Moyen-âge, Bianca est en âge de se marier. Mariage arranger comme de bien entendu, mariage d’intérêt mais pas celui de la mariée. Avant l’événement fatidique, sa tante va lui révéler un secret de famille, dont sa mère s’était bien passée de lui parler car elle voyait cela d’un mauvais oeil. Depuis des générations, les femmes de la famille ont à leur disposition, une peau d’homme, aussi étrange que cela puisse paraître. Et lorsque qu’elles sont en âge de se marier, elles peuvent la revêtir afin de découvrir les secrets de l’autre sexe, et voir le monde du point de vue masculin. Bianca, va profiter de cette opportunité pour découvrir plus intimement son futur époux, et pour le coup, bien plus que ce à quoi elle pouvait s’attendre. Un bijou.

 

Raven, l’âme des pirates

Hey ! marin d’eau douce, je m’en vais te chanter une p’tite chanson :
 
🎼Yo ho sur l’heure Hissons nos couleurs. Hissez haut, l’âme des pirates Jamais ne mourra.
🎼Yo ho, quand sonne l’heure Hissons nos couleurs. Hissez haut, l’âme des pirates Jamais ne mourra…
 
Et non moussaillon, l’âme des Pirates jamais ne mourra..
 
En tout temps, il y a eu des artistes pour faire vivre les récits de pirates. Robert Louis Stevenson avec L’île aux trésor a façonné notre image à jamais du Pirates et du récit d’aventure au grand large par la même occasion.
 
Le cinéma des année 50/60 fit de ces récits d’aventure les grands succès d’ Hollywood. Mais dans le début des année 2000, les histoires de pirates étaient considérées comme ringardes et beaucoup trop coûteuses. A l’époque, les effets spéciaux n’étaient pas encore ce qu’ils sont aujourd’hui, alors filmer des batailles de vieux bateaux, imaginez un peu le budget. Heureusement un petit projet qui traîne depuis 12 ans dans les placard de chez Disney va voir le jour en 2003 : Pirates des Caraïbes. Il va créer un nouvel engouement pour la piraterie.
 
En  2007, la Bande Dessinée Long John Silver de Xavier Dorison et Lauffray offre au 9eme art une nouvelle histoire de pirates qui va marquer les esprits. Si Pirates de Caraïbes a eu l’effet d’un boulet de canon pour le cinéma, Long John Silver va être aussi impactant dans le monde de la bande dessinée. Xavier Dorison et Mathieu Lauffray reprennent le pirate le plus connu de la littérature « Long John Silver ». Toutefois, ils ne vont pas nous proposer une énième adaptation de l’île au trésor mais bien une histoire originale se passant après. Ce vieux briscard de Long John ne va pas résister au charme de Lady Hasting et repart pour une nouvelle aventure.
En 4 tomes, le duo de choc nous fait voyager dans une aventure qui sent la poudre et la tempête. Chaque nouvel album est alors attendu par les lecteurs avec énormément d’impatience. Avec cette série, ils ont fait le liens entre le 7eme et le 9eme art. Car lorsque l’on ouvre un album de Long John Silver, c’est la mise en scène et les décors grandioses de Mathieu Lauffray qui nous embarquent immédiatement dans cette folle épopée. Et ce sentiment de mise en scène à la manière d’un grand film hollywodien vient bien sûr des multiples talents d’écriture d’une part avec la plume de Xavier Dorison mais surtout de Matthieu Lauffray qui prête son talent pour le grand écran comme pour les petites cases. Car oui, entre 2 albums le dessinateur travaille sur de nombreux projets de films, pour lesquelles il propose des ambiances de décors. Tout ce travail ressort dans ces planches, les décors sont riches et appellent à l’évasion, quand ils ne vous laissent pas bouche bée.
Après le succès de cette tétralogie Lauffray va voguer de projets en projets, la conclusion de sa série Prophet, un tome spin-off de de Legion avec le tome 1 des Chroniques de Légion, puis le Spin-off de Valérian avec un certain Wilfrid Lupano (auteurs des « Vieux fourneaux » entre autre choses), un album graphiquement spectaculaire malgré une couverture ratée où  le dessinateur nous montre son amour pour la Science Fiction.
Mais dans Matthieu Lauffray garde un amour et une tendresse toute particulière pour l’univers des pirates.
 
Aujourd’hui, Mathieu Lauffray fait son grand retour dans cet univers de boucaniers. Mais cette fois, pas de Long John Silver et pas de Xavier Dorison pour l’accompagner. Mathieu Lauffray prend les commandes en solo. Il devient le Capitaine et seul maître à bord de ce nouveau récit en 3 parties :
 
RAVEN:
 
Alors si vous n’avez pas décroché et que vous me lisez encore, j’en viens au cœur du sujet de cet article. Que vaut ce nouveau récit ? 
C’est incroyablement cool, morbleu ! Pensez-vous que je m’égosille à vous raconter tout ça pour vous dire que cet album est juste sympathique ? Bien sûr que non ! Ce nouvel album est bien plus que ce que j’attends. Je pensais retrouver l’esprit de Long John Silver : hé bien non. Il faut dire que si j’ai envie de relire du Long John Silver, je peux sans problème relire les tomes déjà parus. Alors non, Mathieu Lauffray ne c’est pas contenté de refaire la même chose. Avec Raven, il ressuscite pour nous l’âme des pirates, car rappelez-vous l’âme des pirates jamais ne mourra. Raven ne ressemble en rien à Long John Silver. Raven est un pirate et pour lui être pirate, c’est avant tout être libre. Car bon nombre de marins sont devenus pirates pour gagner cette liberté. Raven est très vite attachant, on sent vite qu’il est également un redoutable pirate, quand il s’agit de passer à l’abordage mais il suit son code, il a des règles qu’il se souhaite pas enfreindre et qui lui portent souvent pour ne pas dire toujours préjudice, il a la noblesse de cœur d’un D’Artagnan et cette même capacité que d’Artagnan à cumuler les ennuis. Mais il est sûr de ses choix et fonce à corps perdus dans les batailles. Avec les femmes, comment vous dire avec les femmes… c’est un grand maladroit.
Mais il n’y a pas que ce personnage qui fait ce récit : toute une galerie de joyeux pirates et deux personnages féminins Anne et le Capitaine Morgane l’une issue d’une certaine noblesse et l’autre pirate crainte et reconnue, évidement deux femmes fortes aux caractères bien différentes vont chacune à leur manière mener la vie dure à Raven.
Toutes l’âme de la piraterie est déjà là dès le premier tome, du Capitaine Black Vane à l’île de la tortue en passant par l’attaque de navire espagnol, la recherche d’un trésor très convoité, des tempêtes en mers, une île mystérieuse… Il ne manque rien.
 
Du côté du dessin nul doute Matthieu Lauffray nous confirme qu’il fait partie des grands dessinateurs de BD moderne. La différence entre son dessin et un BD classique, c’est un peu comme quand vous regardez un film sur votre bonne vielle télé 4/3 des années 90 et que vous passez au format cinéma 16/9eme ou  IMAX. Il nous donne à travers chaque case ce sentiment de grandiose. Et d’immersion complète dans ces environnements incroyables au côté de ses personnages hauts en couleur. Il vous fait contempler ses multiples décors avec des yeux émerveillés d’enfant. On reconnait la qualité des grands dessinateurs à l’attention qu’ils donnent à leur personnages secondaires et ici on a le droit à une galerie de pirates tous plus mémorables les uns que les autres : le second du capitaine Black Vane et sa pipe, Tim le cul-de-jatte, le cuisinier du fort et j’en passe, ils ont tous de vraies gueules et cela donne encore plus de corps au récit. Car tous les personnages sont travaillés sur le fond et la forme.
 
Vous l’aurez compris, je suis un grand amateur du travail de Mathieu Lauffray, il a su me faire voyager dans ses différents univers. J’ai été surpris avec ce nouvel album. Il délaisse le côté sérieux, sombre et angoissant de Long John Silver, en apportant une touche d’humour. Je pense que l’expérience de Valérian avec Wilfrid Lupano lui a montré que l’humour qu’il pouvait mettre dans le récit ne gâche en aucun cas ses scènes épiques. Quand vous pensez au film Pirates des Caraïbes, il y a bon nombre de sujets sérieux sur la piraterie et des scènes dantesques mais il y a aussi beaucoup d’humour. Raven ne ressemble pas au capitaine Jack Sparrow, il est bien différent, mais il partage un point commun : leur âme de pirate et ce goût si marqué pour la liberté. Ils ne sont au service de personne, ce sont de nobles pirates. Même s’ils tentent de faire croire le contraire.
 
Donc oui je suis pleinement conquis par cette nouvelle aventure épique, qui m’en a mis plein les mirettes. Et confirme s’il le fallait toute l’admiration que j’ai pour Matthieu Lauffray qui nous montre qu’il peut aussi bien être une plume qu’un crayon.
 
Alors hissez la grande voile, souquez les artémises *, et embarquez dans l’aventure avec Raven.
 
*Souquez les artémises ne veut rien dire mais c’est une référence à Astérix et Obélix  mission Cléopâtre, que j’aime bien

Back to the 10’s ! Episode 10

Que ce soit à la télé, dans les magazines, ou les réseaux sociaux, vous n’y échapperez pas : vous aurez une rétrospective de ce qui a marqué la décennie 2010. Hé bien, nous avons beau être libraires, nous sommes humains, nous aussi. Voici donc un petit florilège des 10 années écoulées et cela tombe bien puisque, peu ou prou, cela correspond aux années d’activités de la librairie !

Alors coupons court à la polémique. Oui, la prochaine décennie ne démarre qu’en 2021, mais tant pis ! Fusionnons nos 10 années civiles et les 10’s !

Enfin, rendons à César ce qui est à César. J’emprunte le concept global de ce best-of au magazine Première dont le hors-série a eu la bonne idée de mêler palmarès, box-office et coups de cœur. Donc moi aussi !

Vous trouverez donc le Grand Prix du Festival d’Angoulême (décerné fin janvier), le Prix de la Meilleure BD des Utopiales (décerné fin octobre), le Grand Prix de la Critique de l’ACBD (décerné début décembre), notre meilleure vente à la MLN (en nombre d’exemplaires jusqu’au 31 décembre) et mon coup de cœur subjectif de l’année écoulée.

 

 

 

2019

Grand Prix du Festival d’Angoulême :

Moi ce que j’aime, c’est les monstres / E.Ferris / Monsieur Toussaint Louverture

Et boum ! Deuxième couronnement pour cet album atypique. Ce coup de projecteur angoumoisin a permis à cet album atypique d’acquérir une notoriété supplémentaire. Vivement la suite…

Prix de la Meilleure BD des Utopiales :

Un Gentil Orc Sauvage / T.Grosjean / Delcourt

Les Utopiales nous surprennent une fois de plus en primant un ouvrage qui jusque-là était resté dans l’anonymat, notamment chez nous. Album d’heroïc fantasy tout public prenant à contre-pied les stéréotypes du genre, ce récit complet annonce un début de carrière que l’on espère fécond.

Grand Prix de la Critique de l’ACBD :

Préférence Système / U.Bienvenu / Denoël Graphic

Lorsqu’un album interroge sur notre société, ses travers, sa véhémence, ses quêtes ontologiques avec efficacité et pragmatisme, et en plus n’occulte pas intrigues et péripéties, il mérite un classement A++. Pour le plus d’années possibles espérons-le.

Meilleure vente à la MLN :

Les Indes Fourbes / A.Ayroles & J.Guarnido / Delcourt

Lorsque le talentueux scénariste de De Cape et de crocs rencontre l’extraordinaire dessinateur de Blacksad, l’harmonie se fait bande dessinée ! Un album si truculent, si primesautier, si burlesque, si généreux, si coloré, si… ne pouvait qu’être le cadeau incontournable de Noël 2019.

Coup de cœur :

Un Destin de Trouveur / Gess / Delcourt

Les contes de la pieuvre se sont dotées d’un nouveau chapitre palpitant. En mariant dans un équilibre parfait fantastique (ces gens dotés de pouvoir), enquête (le kidnapping d’une famille), histoire (les retombées de 1870) et faits des société (l’émergence des luttes de classes), Gess nous a offert un excellent album.