Coups de coeur

La vie, l’amour, la mort et tout le reste…

Voici le premier jour du reste de ta vie… « Daytripper est un livre fraternel, de la vie d’ici et d’ailleurs, où les jeux narratifs, comme des coups de dés du destin, inventent les multiples vies possibles de Bràs. » Voilà un beau compliment qui suscite au moins l’attention, si ce n’est une juste approbation aveugle. De plus, quand c’est le grand Cyril Pedrosa qui vous conseille un album, il n’y a plus à hésiter !

Onirisme léger, touches fantastiques, récits enchâssés ou parabole universelle, le récit de de la vie de Bràs se déroule sans ordre ni préséance, apportant un éclairage particulièrement touchant aux grandes étapes de la vie du personnage. La vie ou plutôt les vies, tant celles-ci s’égrainent avec une force lumineuse pour s’achever dans des abymes surprenants au début, attendus par la suite. Fàbio Moon (Casanova) et Gabriel Bà (Umbrella Academy) – avec l’aide de Dave Stewart (Hellboy) aux couleurs – sont frères dans la vie comme dans cette oeuvre où la complicité entre le scénario et le dessin se ressent à chaque page. Pourquoi tant de mystères et de circonvolutions, me diriez-vous, pourquoi ne pas expliquer tout de go ce qui fait le charme et l’originalité de ce récit édité avec beaucoup de soin chez Urban Comics ? Hé bien, disons-le sans détour : à chaque fin de chapitres, Bràs… Non, découvrez-le et tirez les conclusions qui vous chantent !

Il n’en demeure pas moins que ce récit où tout un chacun, peu ou prou, pourra y trouver un écho de son propre vécu, est la vraie grosse surprise de ce début d’année.

Résolument tourné vers le conte merveilleux, « Les Contes de l’Ere du Cobra » nous met entre les mains les planches d’une extraordinaire virtuosité et luminosité d’Enrique Fernandez. Là encore, les battements de coeur de la vie – l’amour, la passion, la vengeance, la jalousie – rythment les destins de personnages, tour à tour, fragiles, attachants, horribles,…  des pantins menés sans ménagement…

Je ne saurai trop vous cacher mon admiration pour cet auteur découvert avec « Les Libérateurs » (sortie de sa bibliographie officielle d’ailleurs), puis « Le Magicien d’Oz« . Ce diptyque aux éditions Glénat, qui pioche aux traditionnels comme aux modernes (« Mille et Une Nuits », « Prince of Persia », « Robin des Bois« ,…) confirme le talent de l’auteur espagnol.

Avec « Daytripper » et « Les Contes de l’Ere du Cobra« , offrez-vous une part d’intenses émotions.

Practissimo, moderato, furioso

Veuillez m’excuser, je ne parle ni italien ni le langage musical, mais le côté rythmé et chantant de ce vocabulaire fonctionne plutôt bien à mes oreilles. Lorenzo Chiavini est à l’honneur aujourd’hui avec son Furioso aux éditions Futuropolis, rien à voir avec la musique, c’est un récit historique qui nous montre que si toutes les religions ont à la base un discours de paix et d’amour fraternel, l’histoire de notre civilisation nous a maintes fois prouvé que l’on s’en est servit pour mettre sur la g****e de nos voisins.

Il n’y a pas si longtemps, je lisais que les chrétiens avait un dieu unique, les musulmans le seul et unique dieu, les juifs pour leur part ont l’être suprême etc.  Furioso est l’histoire de deux hommes au cours des guerres de religions ont tout deux été désignés par Dieu, pour mener leur peuple à la victoire en son nom (cela me rappelle l’épisode des Simpsons revisitant l’histoire de Jeanne d’Arc, interprétée par Lisa, où Dieu désigne un champion dans chaque camp).

Côté chrétien, c’est au cours d’une célébration où les pélerins se rendent en nombre, que la lance qui perça les flancs du Christ, va désigner celui qui mènera les chevaliers à la victoire et c’est sur un tueur de rats que la destinée s’abat et se n’est rien de le dire vu que le représentant de l’ordre divin lâche la lance du haut des ranparts sur la foule, celui qui se fait transpercer a gagné.

En face, le champion n’est autre qu’un guerrier qui un jour où la défaire était inévitable, a remis son destin entre les mains d’Allah en retirant son heaume et jamais ne le remis tout au long de ses multiples batailles et ne fût jamais vaincu.

Tout l’intérêt de cet album réside dans l’utilisation de ce que chacun des camps va se servir de ces symbôles pour galvaniser les foules et surtout les soldats pris depuis si longtemps dans ces guerres incessantes, de la façon dont chacun de ces deux hommes va endosser cette responsabilité et de leurs aspirations et destinée. Le tout illustré sobrement, avec brio, qui nous plonge dans une très belle histoire médiévale.

Changement de style et de sujet, je ne vais pas vous faire croire que si vous avez aimé les ignorants de Davodeau, ce livre est fait pour vous, mais c’est bien Etienne qui a mis un petit mot sur le bandeau qui entoure l’album La bouille de Troubs, chez Rackham éditions.

Si le vin peut agrémenter votre repas, un petit verre d’eau de vie peut très bien vous aider à le finir en beauté, attention toutefois à ne pas en abuser sinon c’est vous qui serez propre. La bouille, c’est l’histoire d’un métier qui est très certainement voué à disparaître, les bouilleurs de cru, ces hommes qui vont aller de ferme en ferme avec leur matériel à distiller pour préparer l’eau de vie dans le Périgord, et comme les récoltes n’attendent pas, leur labeur est exécuté sur des périodes très courtes pendant des journées très longues, Troubs fait d’ailleurs remarquer que cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas vu autant de fois le soleil se lever. C’est entre la Charent et la Dordogne du 28 septembre 1999 au 31 mai 2000 que l’auteur a accompagné Alain, à la rencontre de ce microcosme, de ces rapports entre les hommes réunis autour du labeur, réunis car pour certains trop âgés, ils ne font plus que actes de présence et surtout de goûteurs. Cet album est convivial, initiatique et nostalgique à la fois, par nostalgie j’entends le témoignage d’une part de notre patrimoine qui s’éteint mais aussi pour ceux qui comme moi enfant ont eu la « chance » d’avoir un grand-père qui faisait son eau de vie et son cidre (celui qui colle quelqu’un de non initié aux toilettes pendant les jours qui suivent une descente de quelques verres) à la maison.

Un très bel hommage donc, merci à Troubs pour ce récit.

Et pour finir deux titres chez deux petits éditeurs indépendants, un premier album pour Antoine Crampé, DismemberLand dans la collection Trublion des éditions Ange et Le recueil Turkey Comix 10 ans d’âge des éditions Hoochie Coochie, un florilège des publications de ce magazine.

Les éditions Hoochie Coochie s’étaient fait connaître avec JamesTown, de Christophe hittinger et c’est par le biais du dépôt-vente qui nécessite un gros travail d’investissement et de démarche de la maison d’édition pour que les libraires les aident à se faire connaître. Voilà que maintenant ils bénéficient d’un moyen de distribution plus aisé pour être disponibles en librairie et c’est tant mieux car dans une revue comme Turkey Comix, vous allez pouvoir découvrir plein de talentueux auteurs et toute une diversité de styles différents.

Du noir & blanc à la couleur, du découpage classique à l’essai graphique, ce genre de collectif vous permet de jongler avec le genre narratif, du déglutage du Marouâl à l’initiation à la gravure, il y en a pour tous les goûts et pour tous ceux qui achèteront l’album, la satisfaction, d’aider « des p’tits gars qui n’en veulent faire de la BD », est offerte.

Fans de Death Metal et de petite boutique des horreurs réjouissez-vous, DismemberLand est arrivé près de chez-vous!

Mia vit à Stockholm avec sa soeur, elle fait partie d’un groupe de musique capable de remplir une salle (qui arrive à contenir au moins cinq personnes), elle aime zôner et boire des bières mais pour le coup son lendemain de cuite est plutôt dure à avaler, faut dire que c’est toujours un peu le cas les lendemains de cuite, mais alors qu’elle sort les poubelles, v’là ti pas qu’un zombie lui tombe sur le râble et ô stupeur 95% de la population suèdoise a muté et on peut pas vraiment dire que se soit en mieux.

Un père qui s’est évadé de l’asile, une grand-mère complètement allumée et une secte qui souhaite la fin du monde, voici le microcosme de la jeune Mia.

Antoine Crampé nous propose un joyeux délire morbide et déjanté à souhait, un réel dépaysement comme des films, tel Shawn of the dead, ont pû nous offrir, et si vous vous demandez comment une telle épidémie peut se cantonner aux frontières d’un pays, on s’en fout, c’est pour l’histoire et puis c’est tout, d’ailleurs on a bien essayé de nous faire croire que le nuage radioactif de Tchernobil s’était arrêté à nos frontières et certains y ont crû.

Il me reste une petite question à poser à Antoine: Timtim au pays des bikers? est-ce bien qui je pense? Ainsi que le gros barbu crâne rasé, blouson de cuir et pantalon treillis qui boit de la bière, est-ce bien l’autre?

 

 

je mapel silence é je sui genti.

Une remise en avant pour ma pomme, le judicieux choix des éditions Casterman, celui de remettre en avant le travail de l’un de mes « dieux » en B.D. : COMES (Dieter Hermann de son prénom). Pourquoi un tel enthousiasme pour cet auteur, déjà ne serait-ce que pour cette phrase que je me suis permis de reprendre pour le titre de mon article, issue de Silence, cet album qui revient assurément dans toute sélection de bédéthèque idéale. Mais également pour tout le travail de cet auteur que j’ai lu et relu un incroyable nombre de fois depuis mon enfance au travers de feu (A SUIVRE), l’ancien magazine de Casterman qui n’a malheureusement jamais connu d’équivalent à mes yeux.

COMES est un auteur polyvalent, mais l’univers de la BD le connait surtout pour ses récits qui se situent dans la France profonde comme Silence. Ce récit commence avec cette présentation touchante: « je mapel silence é je sui genti ». C’est l’histoire de ce jeune homme, sourd et muet, le fermier qui le loge, Abel Mauvy, le rend corvéable à merci en le louant dans les fermes environnantes ce qui lui permet également de garder Silence dans son état de « simplet » en l’abrutissant de travail. Mais Silence est également un jeune homme contemplatif et proche de la nature, surtout des serpents à la grande frayeur de son entourage.

Nous sommes dans une époque où l’on croit encore à la sorcellerie et Abel en est sûr, quelqu’un lui veut du mal, et cet homme rustre voit juste, la sorcière, celle qui vit dans la forêt, a non seulement un compte à règler avec lui, mais elle souhaite également sortir Silence de son état végétatif.

Ce polar en noir & blanc, qui se termine magistralement sous la neige (d’où l’importance de ne pas passer cet album en couleur, comme Casterman l’a fait un temps), nous propose un panel de personnages ô combien charismatiques.

Deux albums sont réimprimés par la même occasion, La belette, un autre récit qui se situe dans nos campagnes profondes, et L’ombre du corbeau, l’histoire d’un soldat au cours de la première guerre mondiale, qui au coeur des tranchées, va tomber sur une maison, miraculeusement épargnée par les bombes alors que tout est dévasté alentours, des allures de « bienvenue dans la quatrième dimension ».

 Du coup laissez-moi espèrer que les éditions du même nom seront amenées à rééditer les aventures de Ergun l’errant, sa série (très courte) de sciences-fiction, un de ses rares travaux en couleurs, véritable dépaysement avec son univers très riche. Dans le premier tome, Ergun attérit sur une planète régit par un système féodal où hommes papillons et femmes fleurs (un petit rappel de comment on fait les bébés), subissent la tyranie d’un maître affublé d’un nain-sorcier, Ergun sera l’objet d’un tiraillement amoureux et du désir de reprendre sa route à travers les méandre de l’univers infini.

Et pour finir avec COMES, je ne saurais que trop vous conseiller Eva, un récit digne de Psychose de HITCHCOCK, où l’on voit une jeune femme tomber en panne d’essence et trouver refuge dans une maison isolée où demeurent un frère et sa soeur paralysée. un huis-clos destabilisant manipulant aussi bien notre héroïne que le lecteur.

Tous ces récits datent quelque peu mais restent néanmoins des chefs-d’oeuvres à mes yeux.

Deux autres sorties intéressantes, l’adaptation d’un des tout premiers romans de Edgar Rice BURROUGHS, le créateur de Tarzan, adapté par Roger Langridge et Filipe Andrade et publié en France par les éditions Panini.

C’est un one-shot, et soyez magnanime, il date quand même du début du vingtième siècle, une belle histoire de princesse qu’un humain, propulsé à l’autre bout de notre système solaire va vouloir délivrer.

C’est avec un trait assez atypique, avec des muscles saillants, des corps étirés, un bestiaire assez étoffé et des ambiances graphiques qui tentent de montrer le dépaysement martien, que Les aventures de John Carter prennent formes sous nos yeux.

Un humain qui tentait d’échapper à ses poursuivants sur notre bonne vieille planète, perd connaissance au mileu du désert pour reprendre ses esprits aux mains de créatures étranges qui l’intérrogent sur sa provenance et ses motivations. D’abord décontenancé (qui ne le serait pas), ses prouesses physiques vont lui permettrent de gagner une certaine considération de ses geoliers, et l’arrivée d’une belle princesse aux traits similaires aux siens vont le pousser à la révolte.

On y retrouve bien des points abordés dans ses oeuvres suivantes et surtout une forte insistance sur la gente simiesque, les rapports de force, l’exclusion et la méfiance. Un siècle d’écriture et autres médias plus tard, nous sommes rôdés en ce qui concerne la SF, mais aujourd’hui on joue plus avec la surenchère d’effets extraordinaires tandis que ces auteurs ne jouaient que sur la force de leur écriture et bien souvent contraint au format de « nouvelles », maintenant on vous pond des séries à rallonge qui bien souvent se complexifient au point de perdre en efficacité (attention, je n’essaie pas de vous dire une vérité, il y a bien des exceptions à mes propos).

Du coup voici un classique du genre qui permet un léger dépaysement momentané mais fort agréable.

Pour mon dernier coup de coeur, au moment où j’écris ces lignes, je suis dégoûté de découvrir que moins d’une semaine après sa sortie, l’ouvrage est déjà en rupture chez le fournisseur, tant mieux pour l’éditeur et l’auteur ainsi que ceux qui auront pu se le procurer au cours de la semaine écoulée, mais qu’elle frustration, entre le moment où j’ai commencé à écrire cet article et celui où je vais le mettre en ligne, je risque de ne pas pouvoir le présenter en magasin avant un moment. Mais si vous pouvez le trouver dans une autre librairie, autant en faire la promo quand même.

A nous deux, Paris! de J.P. NISHI aux éditions Picquier. Cet éditeur est une très bonne référence si vous souhaitez vous tournez notament vers la culture asiatique en générale et japonaise en particulier.

Mr NISHI est un jeune mangaka qui a eu l’opportunité de satisfaire son désir de venir en France à quelques reprises et c’est avec beaucoup d’humour et un ton très juste qu’il nous fait partager ses expériences. Cette succession de petits chapitres divers et variés abordent aussi bien sa découverte des soldes que les échanges avec ses rencontres, la difficulté pour un japonais de savoir s’adresser à la gente féminine par le biais de « Madame » ou « Mademoiselle » ou encore le choc de découvrir (c’est le cas de le dire) que les français peuvent dormir nu sans problème de pudeur.

Il se permet même de faire la morale à l’un de ces amoureux de la culture nippone, qui à ses yeux idéalisent trop son pays et sa culture, lui bien au contraire apprécie notre contrée tant pour ses qualités que par ses défauts.

Une version japonaise de Tokyo Sanpo et Manabé Shima de Florent CHAVOUET, parus chez le même éditeur, mais avec un traitement graphique complètement différent. Il existe également un ouvrage d’une japonaise vivant en Italie qui comparait les incongruités qui diffèrent entre nos cultures, j’avoue ne pas retrouver la référence au moment où j’écris cet article, et un petit rappel pour Tonoharu de Lars MARTINSON, au lézard noir, sur l’expérience d’un américain, assistant scolaire au Japon, une fiction inspirée de sa très longue expérience au pays du soleil levant.

Voilà, c’est tout pour cette fois! Librairement vôtre, le grand libraire.

 

Si seulement, si…

…c’était vrai ! Revanche – et ce n’est pas qu’un simple pseudonyme – rend la justice… sociale ! Dès lors qu’un patron tente de déployer son parachute doré, aussitôt qu’une délocalisation se fait sentir ou qu’un licenciement pour cause de gérontophobie accable un travailleur, ce justicier des temps modernes surgit. Mercenaire des causes justes, ses méthodes peuvent être expéditives mais toujours à bon escient : une rencontre discrète avec la victime d’une injustice sociale et Revanche séquestre, harcèle ou menace virilement le patron qui se croit au-dessus des lois. Son paiement : aucun, juste un service à lui rendre un jour…

Voilà un premier tome bien réjouissant narrant en plusieurs petites saynettes les exploits de Thomas Revanche scénarisés par Nicolas Pothier et mis en image par Jean-Christophe Chauzy. Du premier, on avait plebiscité le western atypique Junk dessiné par l’incroyable Brüno et bien sûr l’insubmersible Ratafia avec Salsedo. Du second, on a – à peu près – tout aimé : de ses presque autofictions de Un Monde Merveilleux à ses réelles (?) biographies de Petite Nature en passant par son trop méconnu polar Clara, mais surtout avec ses oeuvres « chocs » telles que La Vigie, La Vie de Ma Mère et d’une certaine manière La Guitare de Bo Diddley.

Ici, aux éditions Treize Etrange, les deux artistes réutilisent avec jubilisation les codes du polar « hard-boiled » et ceux du super-héros. Revanche a une double vie : une identité secrète et un alter ego faussement naïf ; Revanche a un quartier général, même un sidekick, des ennemis clairement identifiés,… On pourrait presque dire qu’il endosse un uniforme. Et pour accomoder tout ça, les auteurs apportent une bonne dose d’humour, de cynisme et de second degré. Il ne vous reste plus qu’à pousser la porte du bouquiniste « Les Raisins de la Colère ».

Quelques mots pour finir sur trois intégrales qui méritent de s’y attarder. Depuis quelques années, les Humanoïdes Associés tentent de faire redécouvrir le fond de leur catalogue en réimprimant dans des formats (très) divers des séries achevées qui avaient un certain charme. On est loin de la qualité du soin apporté aux intégrales Dupuis ou Dargaud, néanmoins c’est l’occasion de donner une nouvelle chance à ces titres. Aujourd’hui, j’en retiendrai trois : Le Samaritain, Les Passe-Murailles et Clockwerx.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le premier, issu de la défunte collection historico-policière Dédale sous le titre Shimon de Samarie, narre les enquêtes de Shimon, juge du Sanhedrin dans la Palestine sous occupation romaine, quelques années avant la venue du Christ. Ici sont rassemblées trois affaires qui offrent exotismes et originalité. Scénario : F.Le Berre, dessin : M.Rouge.

Avec le deuxième, en quelques histoires, on va découvrir le quotidien de personnes dotées du don (ou de la malédiction) de pouvoir traverser les solides. Attention, ici pas de super-héros ou d’aventures haletantes, juste des gens avec leurs problèmes de tous les jours. L’intérêt de ces nouvelles est varié mais de toutes se dégagent une certaine poésie, une petite musique empreinte de nostalgie.  Scénario : J.L.Cornette, dessin : S.Oiry.

Pour finir, une petit récit de Steampunk sans prétention mais très efficace, avec de jolis mechas à vapeur et qui aura aussi eu le mérite de faire émerger le talent de Jean-Baptiste Hostache qui « transformera » l’essai sur la série Neige Fondation. Scénario : J.Henderson, T.Salvaggio, dessin : J.B.Hostache

le manga: ce n’est pas "que" pour les enfants!

Comme vous aurez pu le constater, nous essayons d’avoir une certaine régularité dans nos chroniques, je dis bien « essayons », le but étant toujours de mettre en avant une petite sélection dans le flot incessant de nouveautés auquel nous sommes confrontés, soit pour vous tenir informés des titres que vous pourriez attendre, soit pour vous faire découvrir des albums ou des genres que vous pourriez ignorer.

Cela fait déjà bien longtemps que je ne relève même plus le nombre de fois où j’ai pu entendre que la bande dessinée n’apportait rien en terme de lecture (sans commentaires). Eh bien figurez-vous qu’une bonne partie du lectorat de bandes-dessinées porte le même jugement sur les comics et les mangas, je ne vais pas pour le coup vous faire un long discours sur le sujet, juste une petite sélection sur la diversité proposée, en l’occurence cette fois-ci, j’ai choisi le manga.

Commençons par du facile, avec le deuxième tome des rééditions de Au temps de botchan de Jiro Taniguchi et Natsuo Sekikawa.

C’était les éditions du Seuil qui nous avaient proposé la première publication de ces cinq volumes et pour le coup, cette fois c’est Casterman qui s’y colle.

Pour ceux qui ne connaissent pas Botchan, c’est le roman de Natsume Soseki, un des plus grands écrivains du patrimoine littéraire japonais, et Botchan est un symbole d’une période de grandes transformations culturelles et sociales au Japon qui s’ouvre à l’occident. L’auteur nous dépeint le portrait d’un jeune poète qui a réellement existé et qui l’a inspiré pour symboliser cette époque.

La bande dessinée ne s’arrête pas là, si les premier et dernier tomes s’attardent plus sur Soseki, le deuxième s’intéresse plus sur le fameux regard extérieur et le choc culturel orient-occident, le troisième sur le jeune poète et le quatrième sur la deuxième tentative de percée du socialisme au pays du soleil levant.

Vous avez également tout au long de l’oeuvre l’opportunité de croiser un grand nombre de figures emblématiques de la littérature japonaise, ce qui vous permet d’en apprendre beaucoup sur une culture qui a pris beaucoup d’empleur et une place conséquente d’un point de vue mondial mais qui reste stéréotypée dans l’image véhiculée par chez nous.

L’approche graphique de Taniguchi en fait encore une fois, une oeuvre très agréable à lire et à relire.

Voilà pour le côté « grand-public », « et maintenant quelque chose de complètement différent » (une accolade chaleureuse offerte à celle ou celui capable de me dire d’où je sors une expression pareille).

Cela ne faisait que cinq petites années que ceux qui suivent la série l’attendaient en publication française, voici venu le vingtième tome de Coq de Combat de Akio Tanaka, chez Delcourt. Et pour l’occasion, l’éditeur réédite enfin la série avec les deux premiers tomes à l’occasion de la nouveauté.

Ce manga est destiné à un public averti (voilà, c’est fait !), effectivement il est légèrement, voire franchement violent, mais il n’est vraiment pas dénué d’intérêt. Le saviez-vous, au Japon, on ne montre jamais d’images d’un tueur dans les médias, et bien l jeune Ryô Narushima déroge à cette règle. Il vient d’un milieu aisé, fréquente la plus haute école de son pays et peut prétendre à de belles opportunités de carrière, seulement cet adolescent vient de tuer sauvagement ses parents à coups de couteaux . Il va donc être conduit en centre de correction pour mineurs, et si sa majorité lui permettra de reprendre sa liberté, les deux années à venir lui promettent deux années d’enfer.

Entre les brimades de ses petits camarades et son statut très particulier qui lui donne droit à une considération très singulière du personnel encadrant, comment ce jeune homme chétif va-t-il bien pouvoir surmonter cette terrible épreuve ?

C’est le directeur qui va l’aider, alors que son intention était toute autre, en le mettant entre les mains d’un détenu adulte qui vient régulièrement donner des cours de karaté aux adolescents. Il va leur enseigner le perfectionnement du geste, du corps, de la volonté… ce qui va changer la donne pour Ryô et l’amènera par la suite à voyager et connaître l’univers des combats clandestins. Comme dans FightClub, il ne faut pas y voir l’apologie de la violence (c’est bien plus profond, tu comprends !?).

Un bel exemple de diversité, un seul auteur, une seule thèmatique, deux approches pour Masakazu Katsura d’histoires de héros bien kitchouille ou bien sombre. Wingman Vs Zetman.

Les éditions Tonkam font paraître à l’occasion de la sortie du tome 16 de Zetman, la première série de l’auteur qui date de 1983, tout l’intérêt se trouve dans le fait que l’un des personnages de Zetman s’inspire de Wingman pour devenir le sauveur de l’humanité (S’il y avait eu plus d’images et de petites culottes dans la Bible, il aurait peut-être priviligiée celle-ci?).

Wingman, c’est le nom du personnage que s’est inventé Kento Hirono, jeune collégien qui joue les héros en culottes-courtes (décidément, on y revient), mais de simple trublion de classe, la rencontre avec cette princesse, Aoi, d’une autre dimension et surtout de son cahier des rêves, le voilà propulsé héros en herbe.

Le-dit cahier a ceci de particulier, que ce que l’on y note devient réalité, du coup un rapide croquis permet à Kento de revêtir sa panoplie, seulement petit oubli de sa part, il faut également préciser les pouvoirs que l’on souhaite avoir sinon on est juste bon pour défiler au prochain carnaval. C’est donc un douloureux apprentissage pour notre jeune héros et les situations compromettantes dans les bras de la princesse ne vont pas faciliter sa relation avec Miku, une camarade de classe qui semble avoir le beguin pour lui.

 En ce qui concerne Zetman, ce n’est plus le même public, combats, monstres, moralités douteuses (tout pour me plaire), voici la version adulte du jeune personnage qui se voit la possibilité de devenir héros. La façon de traiter le thème également, d’un côté le personnage principal, Jin, a grandi dans la rue et son grand coeur le pousse à parfois jouer les justiciers et parfois de façons très spectaculaires. Mais si « Papy », l’homme qui s’occupe de lui tente de le dissuader de se faire remarquer, c’est parce que Jin est lié à l’apparition de ces « Players », des humains qui se transforment en monstres ? ou bien des monstres qui se cachent parmi les humains ? Leurs aggressions sont le moteur déclencheur pour le fils d’une richissime famille, inspiré par son héros d’enfance « Wingman », de consacrer l’argent et les ressources nécessaires pour faire fabriquer une armure dotée de pouvoirs extraordinaires. Et s’il a réfléchi aux problèmes que le Wingman d’origine avait pu avoir, il est confronté au même problème: ce n’est pas aussi facile que cela en a l’air. Deux personnages donc, qui vont devoir choisir un destin contraint ou volontaire, le tout sous couvert d’intrigues et de rebondissements.

And the last one: Fraction de Shintaro Kago chez Imho. C’est du Ero-Guro, entendez par là qu’il est rangé au fond de la librairie au rayon indépendant car cela n’est vraiment pas pour les enfants ! Quatre récits qui peuvent choquer tant visuellement que narrativement, on y voit des tripes, de la violence, du sexe mais ce n’est pas spécialement pour cela que je vous en parle. La première histoire, Fraction -qui donne son titre à l’album- est un petit chef-d’oeuvre de récit.

Deux histoires se chevauchent, celle d’un tueur en série, jeune homme que l’on découvre comme serveur dans un petit resto, et celle d’un auteur de manga, spécialiste du genre que vous tenez entre les mains, qui tente de persuader son éditrice d’accepter sa décision de changement de style. Le premier s’applique à sa tâche, mais va voir un copieur bousculer sa méticulosité. Le deuxième se sert des faits-divers et de la littérature de genre pour commencer à imager ses propos et destabiliser son lecteur, car la narration imagée implique l’on peut jouer avec le texte mais également avec les plans de construction. Tout un programme.

Bon dieu que cela fait du bien de se faire avoir par un narrateur aussi doué, en tout cas sur une bonne partie de l’histoire, je reconnais mettre fait avoir, par contre je n’ai guère apprécié son dénouement final ou alors, après réflexion, peut-être joue-t-il encore avec le lecteur.

Voici mon petit tour de la diversité nippone touchant à sa fin, je vous rappelle que rien de tout ceci n’est à prendre au sérieux et que je pense que l’on vous avait déjà démontré (humblement) toute la diversité que nous offre la Bande Dessinée quelle qu’elle soit.