Coups de coeur

Satisfaction 1 / Fiel 0

Ah, j’avais envie de dire du mal, d’être particulièrement critique et acerbe sur deux titres parus récemment. Ils avaient en commun, outre leur petit format, de fleurer bon le nombrilisme à la mode et la superficialité inhérente à ces albums vite lus, vite oubliés. Armé de ces préjugés « antelecture », je me faisais une joie de les démonter et vite lesrenvoyer à l’anonymat duquel (pensai-je) ils n’auraient pas dû sortir…

Alors pourquoi, me direz-vous, ai-je lu  » Yessika, Voyance, Amour, Travail, Argent » de Isabelle Bauthian et Rebecca Morse (éd.Drugstore) et « Les Autres Gens » de Thomas Cadène et plein d’autres (éd.Dupuis) ? Par curiosité et professionalisme, les deux mamelles nourricières du libraire !

Et force est d’admettre que j’ai été capté par les deux, voire séduit, par la fluidité et l’intelligence d’écriture de ces ouvrages. « Yessika » offre le témoignage de Stéphanie, étudiante qui, pour arrondir ses fins de mois, travaille au standard d’une entreprise de voyance. Humour de situation et cas de conscience se succèdent au fil de cette « histoire vraie » qui rappelle que tout un chacun cherche réconfort et réponse là où il peut. Et qu’il y aura toujours quelqu’un pour en tirer profit ! En bref, c’est frais, c’est beau, c’est plaisant et cerise sur le gateau, ça fait (un peu) réfléchir.

Pour « Les Autres Gens », comme beaucoup, j’étais allé fouiller du côté du site (http://www.lesautresgens.com/) sans trop de conviction, attendant la sortie album tant annoncée. Bien sûr, je souscrivai à l’initiative internet, innovante et stimulante. J’étais plus dubitatif quant à l’histoire. Voilà l’ouvrage papier entre les mains. Honte sur moi, je fus happé par cette « bédénovela ». On se prend au jeu de Thomas Cadene, scénariste omnipotent qui orchestre les vies imbriquées de multiples personnages, dépeints – entre autres – par Vives, Singeon ou Mousse. Hippolyte et Mathilde liés par la fortune, Emmanuel et Camille les amis fluctuants, les parents, les proches, les voisins, les gentils, les méchants, les autres… Alors, évidemment, on ne pourra pas s’empêcher de se dire que nous aussi on aimerait bien avoir les problèmes de cette « pauvre petite fille riche parisienne », mais ce serait bouder son plaisir.

Ainsi, le perfide (et bifide) serpent qui sommeillait en moi en fut pour ses frais et c’est sereinement que je vous conseille la lecture de ces deux albums… !

Shake shake shake…

Move your body and come on in my « librairie » (en français dans le texte ) ; que diriez-vous d’une petite sélection, selon que vous souhaitiez travailler les zygomatiques ou bien les méninges, jouer du couteau ou de la corde sensible : welcome in my world !

Commençons avec les bouquins les plus barrés voulez-vous :

West terne, ou comment les tuniques bleues se sont retrouvées isolées derrière leur grande clôture sensée les protéger des vilains Apacheros. Seulement voilà, les femmes ont disparues et il va falloir monter une expédition en territoire ennemi, incognito. Michel Galvin nous présente son nouvel album chez Sarbacane, avec une sur-enchère de grotesque et d’idées pas si farfelues que ça : John Wayne n’a qu’à bien se tenir.

Avec Fables Nautiques de Marine Blandin, petit format de la collection Shampoing chez Delcourt, c’est une invitationvers les grands fonds d’un bassin  de piscine. Mine de rien, on met son maillot, on trempe quelques orteils, et sans s’en apercevoir on est parti pour une apnée jusqu’au terme de la BD. Tout commence avec cette scène touchante d’une petite fille qui vient donner une carotte à son ancien lapin domestique qui repose maintenant dans un cimetière qui va devoir céder sa place à une piscine. Nous retrouverons cette petite fille en petite vieille, terroriste activiste, bombardant inlassablement chaque soir, un des bassins à l’aide d’une carott . Un des maitre-nageur n’a de cesse d’essayer de lui mettre le grappin dessus, mais il se passe d’autres phénomènes inexpliqués : les cuisseuses sont en route, ce n’est pourtant pas la période de leur migration ; Gormone, la danseuse aquatique ne se plait plus dans son palais, les 3 du jacuzzi veulent de nouveaux potins ; et c’est quoi cette histoire de baleine ?

James & La tête X, ces deux là nous offre dans  l’épi aux éditions 6 pieds sous terre un petit précis d’humour autour du monde du travail. Avec sa série Dans Mon Open Space, James relatait les débuts tumultueux d’un stagiaire fraîchement débarqué dans le monde du travail. Là , on se retrouve avec le travailleur qui est déjà conditionné, qui sait pertinamment qu’il se fera engueuler demain par son patron, qui rêve du jour de l’abolition du port de la cravatte … un recueil d’histoires courtes désopilantes .

Voici un match de foot qui résume assez justement ce que je pense de ce sport et de tout ce qu’il véhicule : Athlétic Sport Saint-Etienne – Olympique Lyonnais , ou A.S.S.E./O.L. , ou encore Ass hole . Saint-Etienne – Lyon, c’est l’histoire d’une famille qui rêvait d’assister au match de leur équipe préférée, mais en déplacement…

Du coup , ils ont voulu prendre l’avion , le premier signe qui aurait dû leur mettre la puce à l’oreille, c’est d’avoir oublié la mère à la maison, ou plutôt, en train de courir derrière la voiture. Les preneurs d’otages du front de liberation de la Savoie, c’était peut-être trop évident, mais bon, un petit séjour sur une île après un crash d’avion, cela aide à relativiser, d’ailleurs ne dit-on pas :  » Le nain au sommet de la montagne n’est pas grand pour autant  » -proverbe gréco-japonais .

En ce qui concerne la grande claque visuelle, et l’univers qui mérite que l’on se perde dedans, bienvenue dans CE de Roosevelt auto-édité auxEditions du Canard. Nous en sommes au cinquième sur les onzes tomes de prévus pour cette série qui ose !

J’ai toujours été sous le charme du trait deRoosevelt, créateur du personnage de Juan Alberto, mais  pour cette fois, il nous entraîne de l’autre côté du miroir, avec cet immortel qui ne devrait pas rêver, mais qui du coup se voit ouvrir de nouvelles perspectives. Le fait de passer successivement d’un monde à l’autre va le perturber encore plus, l’amour, la violence, la folie … bienvenue dans le monde de CE .

Un Amour Simple de Bernard Grandjean à La boîte à bulle, collection contre-jour, plein  de poésie et de délicatesse pour cette oeuvre qui raconte l’histoire d’amour de deux résidents d’un asile psychiatrique et qui vont vouloir partir voir la mer. La réussite de ce livre, outre le côté touchant, c’est d’alterner l’humour avec le travail de ceux qui aident ces personnes au quotidien, la moindre sortie au super marché deviens une épreuve digne d’Ulysse. Ce n’est bien évidemment pas une grande nouveauté, il y avait le film  » le Huitième Jour «   qui était efficace, mais Un Amour Simple a ce charme des lectures simples.