Nous n’allons pas épiloguer chaque année sur les choix du jury du festival d’Angoulême, tout le monde en parle régulièrement. Il suffit juste de dire que cette année encore la sélection est très pointue. De qualité mais pointue, difficile à mettre entre les mains de votre mamie du Périgord qui lit une bd par an. Bref, le débat n’est pas là.
Dans cet article et ceux qui vont suivre, je vais revenir sur certains ouvrages de cette sélection et plus particulièrement ceux que j’ai lus, afin que vous puissiez avoir un premier avis pour vous forger votre propre opinion.
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Les bandeaux et autres autocollants « Par le créateur de… » ont tendance à m’agacer, même si je comprends leur utilité lorsqu’on n’a pas un bon libraire sous la main pour vous souligner les liens créatifs. Ils sont toutefois souvent un appât grossier pour capter un public sur une œuvre qui parfois n’a rien à voir… Bref, le « créateur » de The Walking Dead se penche sur l’exorcisme avec Outcast (Robert Kirkman & Paul Azaceta / éd.Delcourt). Avec une économie de moyen et une grande efficacité, ce scénariste adroit place son histoire entre les mains d’un duo de personnages aux caractères subtils. Il y a tout d’abord un prêtre à la foi vacillante, remise perpétuellement en cause par ses doutes sur l’efficacité de ses exorcismes. Puis un homme qui semble avoir été mêlé depuis sa tendre enfance à des manifestations du Malin et qui en porte les stigmates indélébiles. Celui qui croit en Dieu et celui qui n’y croit pas, comme dans le poème, vont faire équipe pour que chacun expulse ses démons… quitte à être engagé dans une croisade insurmontable ! Tout est dans la retenue, dans la montée progressive de la tension et des révélations. Le tome 2 récemment sorti confirme les qualités de cette série.
Juste à temps pour le tome 3 de Paci (Isabelle Merlet & Vincent Perriot / éd.Dargaud), sorti en janvier dernier, pour intégrer la sélection 2016 ! Ce thriller contemporain sur un homme, Pacifique, qui veut reprendre le contrôle de sa vie et laisser derrière lui les trafics de drogue et les « gofasts », se déploie sur trois tomes tout à la fois haletant et très calme. Vincent Perriot est un des rares auteurs à restituer à la perfection la sensation de vitesse aussi bien par la fluidité de son dessin que par la rigueur de sa narration. Ce récit où l’espoir se heurte à la médiocrité de la réalité touche par sa véracité, comme pour son précédent diptyque Belleville Story.
Gérald vous avez préalablement parlé de la Renarde (Marine Blandin & Sébastien Chrisostome / éd.Casterman) et de la République du Catch ( Nicolas de Crécy / éd.Casterman) ici et là. Je vous laisse vous y reporter. De même, Romain et Gérald n’avait été trop de deux pour vous faire partager leur enthousiasme sur les débuts de Saga (Brian K.Vaughan & Fiona Apple / éd.Urban), ici et également là. Hé bien, ce quatrième opus mais aussi le cinquième sorti depuis sont du même bois. Iconoclaste, imprévisible, jouissive, inventive, les adjectifs manquent pour clairement cerner cette série qui n’a jamais aussi bien porté son nom. Allez-y les yeux fermés !
Killofer, l’un des fondateurs de l’Association, est un auteur rare en bande dessinée car il explore les domaines les plus variés du grand Art. Par conséquent, lorsqu’un album – Tel qu’en lui-même enfin (Killofer / éd.L’Association) sort « presque » discrètement, il faut y être attentif par les pépites d’humour ou de recherches que l’on va y déceler. Je dis « presque » parce que son format va faire rager tous les symptomatiques des bibliothèques bien ordonnées ! Quant à son contenu, il fait sourire : l’auteur se met en scène sous son plus mauvais jour (ou le plus réaliste ?) créant un alter-ego de papier alcoolique, paresseux, lubrique et perpétuellement en retard. Mais toujours cinglant et lucide : tel qu’en lui-même en somme !
Remettant à l’honneur et sur le devant de la scène les ouvrages de vulgarisation scientifique, Marion Montaigne a réussi, via son alter ego le Professeur Moustache, a su s’imposer par son humour et sa quête de vérité scientifique. Répondant à de vraies-fausses interrogations dans Tu mourras moins bête (Marion Montaigne / éd.Delcourt), dans des domaines aussi variés que la médecine, la balistique ou les nouvelles technologies, chaque chapitre déborde d’inventivité pour nous faire comprendre tout ce que l’on ignore avec une dérision décapante. A noter que depuis le début de l’année, Arte diffuse des petites pastilles animées adaptées de Tu Mourras moins bêtes. Plus aucune excuse pour ne pas connaitre !
Je termine avec Vive la Mariée (Pascal Rabaté / éd.Futuropolis) qui va nous permettre de conclure avec le sourire. Pascal Rabaté s’est forgé une réputation méritée en lorgnant sur les petites gens, sur le lot commun du quotidien et ce qu’il comporte intrinsèquement de poésie et d’humour. Ici, il se joue en plus de la narration en appliquant une figure de style tout au long de l’album. Une narration en transmission de flambeau : le lecteur suit un personnage qui croise un autre personnage, qui devient le nouveau centre d’attention, jusqu’à ce que, à son tour, il croise une autre personne, qui deviendra alors le nouveau personnage à suivre, et ainsi de suite… Se dévoile ainsi sous nos yeux une journée de vacances à la plage, avec ses habitués, ses familles nombreuses, ses rencontres éphémères, ses indigènes,… L’esprit Jacques Tati est bien entendu invoqué au-dessus de cette histoire mais Rabaté a depuis longtemps su digérer et s’approprier le génie de son prédécesseur pour fabriquer son propre génie ! Pour en savoir plus, lisez l chronique de Gérald ici.
Bien sûr, on aurait pu vous parler des autres ouvrages mais je vous aurais menti : car je ne les ai pas lus ! Et puis, il vous faut aussi prendre des risques de temps en temps !