Un si long moment de silence, 2ème partie

On continue le rattrapage avec toujours autant de diversité: Mes ruptures avec Laura Dean de Mariko Tamaki et Rosemary Valero-O’Connell aux éditons Rue de Sèvres.

Mariko Tamaki a déjà été publiée par Rue de Sèvres avec Cet été là, et cela fait partie des choix éditoriaux de publier des romans graphiques, souvent anglo-saxons accessibles pour un jeune lectorat, mais la qualité est souvent telle, que le public adulte peut s’y retrouver également. Contrairement au premier titre paru, celui bénéficie de couleurs qui peut en faciliter la lecture pour ceux qui ont encore du mal avec le noir & blanc.

Une histoire sentimentale de lycéennes, qui aborde aussi l’homosexualité, mais la question de fond est universelle et aurait pu affecter le personnage principal même si son coeur s’était épris d’un garçon. Freddy Riley a 17 ans, et éprouve le besoin de se confier a une chroniqueuse, via internet, ce qui est très certainement plus facile pour elle de s’épancher vers une inconnue qu’elle ne voit pas. Son problème: elle est amoureuse et vie une relation avec Laura Dean, personnage très charismatique de son lycée mais qui va jouer avec les sentiments de Freddy, changeant régulièrement de relations et délaissant sa compagne pour mieux la reconquérir de part sa dépendance sentimentale. Un jeu qui n’est pas sans conséquences.

Le chanteur perdu de Didier Tronchet aux éditions Dupuis dans la collection Aire-Libre.

Didier Tronchet est là depuis un sacré bail maintenant, sur des projets solo ou en collaboration, variant les plaisirs et les sujets de la narration, nous avions d’ailleurs reçu Nicoby avec qui il avait réalisé Tête de gondole et précédemment Le meilleur ami de l’homme. Pour cette fois, Tronchet en solo propose une histoire qui m’a touché, déjà parce que le début commence à Morlaix, sans pour autant être chauvin cela m’amuse toujours quand on m’évoque le pays, mais surtout parce qu’il va parler du genre de chanteur que mes parents m’emmenaient écouter, parfois au fin fond de la Bretagne, artistes « dégagés » comme ils l’évoquaient parfois, anarchistes souvent, et dont chaque concert avaient des airs de rencontre secrète. Notre personnage principal est bibliothécaire à Paris, suite à un burn-out, il se retrouve dans l’incapacité de poursuivre son boulot, et décide de faire un point sur sa vie en faisant un grand vide dans son appartement, ce qui lui donne l’occasion de remettre la main sur une vieille cassette audio, et oui on est de l’ancienne génération ou on l’est pas, d’un chanteur qu’il découvrit lorsqu’il était étudiant. C’est avec le souvenir de la pochette de l’album, le chanteur devant le viaduc de Morlaix, et avec cette seule piste, qu’il décide de retrouver sa trace, un voyage rocambolesque va s’offrir à lui avec des rencontres des plus inattendues. Le petit plus, le chanteur existe bel et bien, et Didier Tronchet a agrémenté son album d’un dossier avec quelques photos à la fin de l’histoire.

Akiléos un jour, Akiléos toujours !

Nous n’avons jamais caché notre intérêt pour cette maison d’éditions, et ce depuis ses débuts, avec pêle-mêle: Queen & Country, Stand Still Stay Silent, Herakles, La valise, Le Roy des Ribauds… La nouveauté, c’est Ombrane de Bastien Lextrait & Julien Hanoteaux.

Nous avons déjà eu de nombreuses histoires qui se déroulent dans les vestiges de notre société, mais les lendemains qui chantent se laissent toujours désirer. Ce soir est un soir particulier, un rite initiatique va avoir lieu: un cheminement qui va remonter les strates de cette société. La vie est déjà dure, mais la remontée annonce un combat des plus âpres face au froid mordant. Pendant ce temps, une soirée s’annonce au coin du feu. Un conteur va nous remémorer l’histoire de Ombrane, cette créature née de la pénombre. Issue des ténèbres, elle arpente le monde, naïve de toute expérience, curieuse et fragile, elle croise en chemin les habitants, tous pauvres et harassés par leur condition de vie misérable. Tous ne voient en elle qu’un signe de bienfaisance et de chance qui s’offre à eux, répondant à leurs prières. Un titre accessible pour un jeune public, et qui offre différentes lectures.

On attend des années. On espère encore et encore. Et puis un jour on se résigne. On se fait à l’idée et on passe à autre chose… Huit ans plus tard: PAF ! Vous vous le prenez en pleine tronche, ou en pleine truffe plus précisément.

Si une suite tarde à paraître, certains titres que l’on a défendus et présentés de façon de plus en plus aléatoire, jusqu’au jour où vous vous faites une raison, et le renvoyer chez l’éditeur et faire la place pour un autre titre. C’est pourquoi, vous n’avez peut-être jamais eu l’occasion de voir en librairie, en tout cas par ces dernières années, Bêtes de somme, de Evan Dorkin & Jill Thompson. Le deuxième tome vient de paraître aux éditions Delcourt, qui est capable dans sa collection de titres Comics, quelques perles rares comme Birthright, Monstress, Tony Chu, Hellboy… Et pendant un temps, ils avaient au catalogue, les titres d’Alan Moore, mais aussi la série culte de Neil Gaiman, Sandman (roulement de tambour, sonnez trompettes…)

Pourquoi citer Sandman de Neil Gaiman ? Et bien dans l’univers mis en place par l’auteur, nous suivons le Maître des Rêves, mais également ses 6 frères et soeurs, dont une en particulier: Death. Personnage haut en couleur si je puis dire, puisque c’est La Mort et qu’elle s’habille exclusivement en noir. Death a bénéficier de ses propres aventures, et Jill Thompson avait pu se faire remarquer en y contribuant.

Avec Bêtes de somme Evan Dorkin et Jill Thompson nous racontent les aventures d’animaux de compagnie d’une banlieue des plus classiques et stéréotypées de l’Amérique moyenne et banlieusarde, avec des préoccupations de gamelles, de pantoufles et de facteur au fondement terriblement attrayant et confortables pour les crocs. Mais les intrus sont parfois du genre un peu plus coriaces, un peu plus surnaturels, et mortellement dangereux. 

Quoi de moins étonnant que de commencer ce deuxième opus avec en guest star: Hellboy. Oui mesdames et messieurs, le démon aux questions existentielles et à l’humour ravageur s’invite parmi chiots et chatons.

Et juste pour le plaisir, en mot de la fin. Je reste dans le cinéma de « genre » avec un sacré clin d’oeil, mais comme il y a deux albums, cela fait que l’on se retrouve avec les yeux fermés, mais quoi de plus naturel lorsque l’on se retrouve avec une oeuvre cinématographique magistrale, pour ne pas dire monstrueuse, étant donné qu’il s’agit de Freaks de Tod Browning de 1932.

Deux histoires pour deux genres différents. La première, Freak Parade de Fabrice Colin et Joëlle Jolivet chez Denoël Graphic. Les dessous du tournage de ce film au casting des plus atypiques, qui suscite autant d’amusement que de crainte de la part des gens « ordinaires », face à celles et ceux qui sont exposés dans des cirques itinérant depuis près de cent ans sur les routes des Etats-Unis. On fait donc appel à un 4 ième assistant réalisateur, qui ne devra s’occuper exclusivement que des Freaks, de leur bien-être, de leurs addictions, et de leur bonne disposition lorsque vient pour eux le moment de passer devant la caméra.

L’autre titre évoquant ce film, c’est la biographie de l’un de ses acteurs, Schlitzie surnommé « Tête d’épingle« . Son histoire a été mise en image Par Bill Griffith et publié chez nous par les éditions Presque Lune. Et dans ce genre d’oeuvre, vous y trouver autant d’éléments sur la différence, que sur la société américaine, mais sur les rapports sociaux plus globalement. Le milieu du spectacle, d’Hollywood, des cirques de foire. Mais l’auteur se met également en scène afin d’expliquer comment a émergé cette histoire, la fascination et les questions avec son processus narratif.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui.